Vous préparez l’oral du bac de français ? Vous avez travaillé sur Olympe de Gouges et vous voulez compléter vos cours ? Alors cette analyse linéaire du discours de la servitude volontaire de La Boétie, est pour vous !

Ce texte s’intègre parfaitement dans le parcours “Écrire et combattre pour l’égalité”, c’est un incontournable de l’Histoire de la littérature d’idées.

L’analyse présentée ici propose un cadre que vous pouvez suivre et reproduire lors de l’épreuve anticipée de français. Vous pouvez bien entendu modifier la problématique, ou certaines analyses à votre convenance.

Avant de commencer à lire cette analyse, n’hésitez pas à vous reporter à mon article “comment analyser un texte en français” et à ma “méthode de l’explication linéaire” pour mieux comprendre ma démarche.

Introduction de l’analyse linéaire du Discours sur la servitude volontaire de La Boétie

Phrase d’accroche

Discours de la servitude volontaire, Étienne de La Boétie : Analyse linéaire (BAC 2023)
Étienne de La Boétie

Après le Moyen Âge, des intellectuels voyagent à travers l’Europe, s’appuyant sur l’imprimerie pour répandre des idées nouvelles sur l’éducation et le progrès : c’est l’Humanisme.

Comme ses pairs, l’humaniste Étienne de La Boétie cherche à mener une réflexion politique pour améliorer la condition du peuple. Très jeune, pendant la période de jonction entre François Ier et Henri II (1547), il publie anonymement son Discours sur la servitude volontaire, un essai politique critiquant la tyrannie.

Situation du passage :

Le passage étudié se situe à la fin de l’ouvrage. L’auteur s’y adresse de manière vindicative au peuple pour lui faire entendre l’idée suivante : il doit cesser de soutenir le tyran.

Problématique :

En quoi ce texte propose-t-il une réflexion originale sur la tyrannie ?

Plan :

Pour mener cette analyse linéaire du Discours de la servitude volontaire, nous suivrons les mouvements du texte. D’abord le réveil brutal du peuple du début du passage à “de vos vies” Ensuite, la désacralisation du tyran  de “Et tous ces dégâts” à “traitres de vous-mêmes” Enfin, la responsabilité du peuple “Vous semez vos champs” à la fin de du passage.

Texte du Discours sur la servitude volontaire pour l’analyse linéaire

Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regardiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies.

Et tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais certes bien de l’ennemi, de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est, de celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la mort. Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ? Les pieds dont il foule vos cités ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous assaillir, s’il n’était d’intelligence avec vous ? Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n’étiez les receleurs du larron qui vous pille, les complices du meurtrier qui vous tue et les traîtres de vous-mêmes ?

Vous semez vos champs pour qu’il les dévaste, vous meublez et remplissez vos maisons pour fournir ses pilleries, vous élevez vos filles afin qu’il puisse assouvir sa luxure, vous nourrissez vos enfants pour qu’il en fasse, dans le meilleur des cas, des soldats qu’il mène à la guerre, qu’il mène à la boucherie, pour qu’il les rende ministres de ses convoitises et exécuteurs de ses vengeances. Vous vous usez à la peine afin qu’il puisse se mignarder dans ses délices et se vautrer dans ses sales plaisirs. Vous vous affaiblissez afin qu’il soit plus fort, et qu’il vous tienne plus rudement la bride plus courte. Et de tant d’indignités que les bêtes elles-mêmes ne supporteraient pas si elles les sentaient, vous pourriez vous délivrer si vous essayiez, même pas de vous délivrer, seulement de le vouloir. Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre. 

Discours de la servitude volontaire (extrait), 1547, La Boétie

Discours sur la servitude volontaire : analyse linéaire

I. Un réveil brutal

La Boétie cherche d’abord à réveiller le peuple. Pour cela, il s’adresse à lui de manière critique afin de le faire réagir.

1)

L’apostrophe en rythme ternaire (l.1) se veut critique envers le peuple pour montrer qu’il est responsable de sa propre servitude. Le peuple est décrit comme misérable = pauvre ; insensé = écervelé ; opiniâtre = obstiné.

L’intensité de cette première phrase est renforcée par l’allitération en -p qui donne davantage de force au discours.

2)

Dans la seconde phrase, la démultiplication des marques de 2e personne (pronoms personnels et déterminants possessifs) accentue la responsabilité du peuple.

On note également que le tyran n’est pas présent dans la phrase = c’est le peuple qui est responsable seul de son dépouillement. La phrase est exclamative, une manière pour l’auteur de traduire l’urgence de réaction du peuple.

La Boétie conclut en affirmant de manière hyperbolique : « rien n’est plus à vous ».

3)

L’auteur se montre ensuite ironique en évoquant « un grand bonheur » pour affirmer que le peuple n’est pas seulement passif face à la tyrannie, mais également complice de celle-ci.

La gradation « qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies » souligne le fait que tout appartient au tyran.

II. Désacralisation du tyran :

Dans cette seconde partie, La Boétie veut convaincre le peuple que le tyran n’est rien sans soutien, et qu’il tire toute sa puissance de la collaboration active du peuple opprimé.

1)

Il énumère d’abord sous la forme d’une gradation « ces dégâts, ces malheurs, cette ruine » les préjudices que subit le peuple. Il veut lui montrer que le seul responsable est le tyran : il oppose le pluriel des « ennemis » au singulier de « l’ennemi ».

Après avoir isolé le tyran, il montre que le peuple est son créateur : « de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est ».

2)

On voit que la Boétie est de nouveau ironique lorsqu’il emploie l’adverbe « courageusement » alors qu’il estime que le peuple est lâche de soutenir le tyran.

3)

Ligne 9, il dresse le portrait anatomique d’un homme ordinaire par énumération des différentes parties du corps : « deux yeux, deux mains, un corps et rien de plus que le dernier des habitants du nombre infini de nos villes ».

On remarque également qu’il oppose la solitude du « maître » au « nombre infini de nos villes ». Cela place le peuple en position de supériorité. Le pronom possessif « nos » fait de l’auteur un membre du peuple face au tyran, et réaffirme la propriété du peuple et non du tyran.

4)

L’auteur affirme ensuite la responsabilité du peuple : « ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire ». 

5)

S’ensuit une série de questions rhétoriques pour lesquelles La Boétie suggère les réponses. Pour chaque question, il oppose le pronom « il » qui désigne le tyran avec le pronom « vous » qui désigne le peuple : son complice.

6)

Dans la première, « tous ces yeux » désignent par métonymie les espions, qui pour l’auteur sont des membres du peuple travaillant pour le roi contre le peuple.

Il en va de même pour les « mains » dans la seconde question et les pieds dans la troisième : les soldats du roi sont des membres du peuple. La Boétie insiste ici sur la multitude pour bien faire comprendre au peuple que la seule ressource du tyran, ce sont ses sujets.

7)

On pourra également noter que le tyran est ici décrit comme une monstruosité : il est en effet passé d’une figure humaine à une créature avec une multitude d’yeux, de mains, et de pieds.

8)

La répétition du pronom vous : « a-t-il de pouvoir sur vous qui ne soit de vous-même ? » montre au peuple qu’il est à la fois victime et bourreau. Cette complicité est affirmée par la phrase suivante : « comment oserait-il vous assaillir s’il n’était d’intelligence avec vous ? »

9)

Cette seconde partie se conclue sur une dernière gradation tripartite : « les receleurs (…) , les complices (…) , les traitres (…) qui permettent de souligner que le tyran n’est rien seul, et que c’est le peuple qui s’inflige lui-même ses sévices.

III. Responsabilité du peuple :

Enfin, dans la partie finale de son argumentation, La Boétie affirme que le peuple est à la fois la victime et le bourreau, et qu’il lui suffirait de refuser cet état des choses pour se libérer.

1)

Il formule une longue phrase construite sur des parallélismes (proposition principale -> subordonnée de but). Chaque principale exprime l’action du peuple (Vous semez vos champs) et chaque subordonnée de but (pour qu’il les dévaste) la conséquence.

Quoi que fasse le peuple, il subit toujours les exactions du tyran car il les tolère.

2)

L’ensemble de la phrase est également construit en gradation : au début ce ne sont que les champs, puis c’est l’intérieur de la maison qui est pillé, puis les filles violées, puis les fils sont faits soldats et meurent pour le tyran (métaphore violente de la boucherie pour choquer et donner l’impression que le peuple n’est que de la viande pour le tyran), ou pire encore, il deviennent pleinement complices de ce système en devenant « ministres de ses convoitises et exécuteurs de ses vengeances ».

3)

Il est intéressant de relever le lexique péjoratif employé pour décrire le tyran et ses actions : « assouvir sa luxure » ; « se mignarder dans ses délices » ; « se vautrer dans ses plaisirs ». La Boétie essaye ici de dégoûter profondément le peuple du tyran pour le pousser à résister plutôt qu’accepter.

4)

La « peine » du peuple (l.21) s’oppose également aux « délices » et « plaisirs » du tyran. Cela fait ressortir l’injustice de la tyrannie subie par le peuple.

Cette structure d’opposition est reprise dans la phrase suivante : « Vous vous affaiblissez afin qu’il soit plus fort » (antithèse + subordonnée de but pour insister sur la complicité du peuple).

5)

La Boétie va jusqu’à affirmer par comparaison que « les bêtes elles-mêmes » (l.24) n’accepterait pas ce que le peuple accepte : c’est le dernier argument choc de l’auteur avant de proposer sa solution simple.

6)

Le conditionnel présent des verbes « pouvoir » et « essayer » pose les conditions de la libération du peuple : « seulement de le vouloir ».

L’auteur a longuement expliqué que le tyran ne vit que par la complicité du peuple et affirme finalement (au futur : « vous verrez » = espoir) que sans son soutien, il s’écroulera « tel un grand colosse dont on a brisé la base ». (comparaison qui exprime l’acte de résistance civile)

7)

« Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libre » : renforce l’idée de simplicité avec une consigne claire à l’impératif suivie presque sans transition d’une proposition non-verbale (pas de verbe = pas d’action) qui suggère que la liberté sera un résultat presque automatique, sans effort.

8)

Dans cette conclusion, La Boétie insiste sur la fragilité du tyran en expliquant au peuple que l’arrêt de sa collaboration suffira à le détruire.

On voit la construction avec une négation « je ne vous demande pas » suivi de la conjonction de coordination « mais » avec l’adverbe « seulement » pour souligner le peu d’effort demandé au peuple : « ne plus le soutenir » (négation = pas besoin de lutter, juste de ne pas travailler pour lui)

Conclusion de l’analyse linéaire du Discours sur la servitude volontaire

Rappel du développement 

La fin du Discours sur la servitude volontaire d’Étienne de la Boétie est un texte intemporel. Son originalité repose dans le fait d’accuser le peuple d’être responsable de sa misère.

Nous avons pu constater que pour ce faire, l’auteur commence par apostropher le peuple de manière virulente pour l’éveiller.

Il déconstruit ensuite la figure surpuissante du tyran en affirmant que le peuple lui fournit en fait toute sa puissance.

Il finit donc par pouvoir affirmer que le simple fait pour le peuple d’arrêter de soutenir le tyran conduirait automatiquement ce dernier à sa perte.

Réponse à la problématique

Dans ce passage, toute l’argumentation de La Boétie repose sur la nécessité d’abord de choquer le peuple pour le responsabiliser et ainsi lui faire comprendre la nécessité, non pas d’une révolte, mais d’une résistance passive qui conduira à l’anéantissement du tyran.

Toute l’originalité de la réflexion vient du fait de faire du peuple le seul responsable de la tyrannie qu’il subit. Cela permet aussi à l’auteur de montrer au peuple la mesure de son pouvoir : s’il s’opprime seul, lui seul peut vaincre le tyran.

Ouverture

Ce texte par sa structure et son propos peut être rapproché du postambule de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges.

Les 2 textes partagent notamment l’idée que la liberté est à portée de main, à condition de le “vouloir” et argumentent de la même manière : réveiller le destinataire, lui montrer la faiblesse de l’ennemi puis l’inciter à se mobiliser pour sa liberté.

Prolongements sur l’analyse linéaire du discours de la servitude volontaire :

Vous trouverez ici une liste des 25 figures de style à connaître pour le Bac. Pour ficher efficacement votre explication : https://la-classe-du-litteraire.com/comment-ficher-une-explication-lineaire/ et enfin, les erreurs à éviter à l’oral du Bac : https://la-classe-du-litteraire.com/bien-reussir-son-explication-lineaire/

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