Le Nouveau Roman

Bienvenue dans cet article d’histoire littéraire sur le Nouveau Roman, mouvement littéraire avant-gardiste français du milieu du XXe siècle.

L’objectif de cet article est de vous permettre de mieux comprendre les enjeux littéraires de l’après-guerre en France, de découvrir les principaux auteurs de ce mouvement et en particulier, l’implication de Nathalie Sarraute, au programme du Bac de Français en 2025.

Introduction

Définition du Nouveau Roman

Le Nouveau Roman est un mouvement littéraire hétérogène qui émerge en France dans les années 1950. Regroupant plusieurs écrivains aux pratiques et styles variés, il s’harmonise autour de recherches stylistiques et de la contestation des catégories romanesques traditionnelles.

Ainsi, inspirés par des romanciers comme Proust, Kafka, Faulkner ou encore Woolf, les auteurs du Nouveau Roman innovent en déconstruisant : tantôt la chronologie, tantôt le personnage, tantôt la description, voire même la notion d’intrigue.

Contexte Historique et Littéraire du Nouveau Roman

Le nouveau roman émerge quelques années après la seconde guerre mondiale, vers le milieu des années 50.

Bien que non constitués en école littéraire, les auteurs de ce courant s’accordent sur le refus de la littérature traditionnelle et de son rapport engagé à la réalité.

Après la guerre, les écrivains cessent, pour certains, de croire que leurs écrits peuvent avoir une influence quelconque sur la société. La preuve en est : la littérature n’a pas pu enrayer la barbarie humaine.

Ils choisissent donc de décrocher l’objet littéraire de son ancrage dans la réalité pour s’intéresser au texte et au langage en lui-même et pour lui-même.

Ainsi, en chassant “l’Illusion référentielle” (le rapport entre le roman et la réalité, le fait que le roman est vraisemblable et renvoie au réel), le nouveau roman fait ressentir la détresse de l’homme dans un monde sur lequel il pense avoir perdu tout contrôle.

La période de l’après-guerre (1945-1950)

La Seconde Guerre Mondiale et les bouleversements sociaux et politiques qui en ont découlé ont profondément influencé le paysage littéraire français.

Les écrivains cherchent à renouveler la littérature pour refléter le chaos et l’incertitude engendrés par la perte de leurs repères et de leur prise sur la réalité.

Ils considèrent que la littérature réaliste et l’analyse psychologique des personnages qui dominaient avant-guerre sont désormais inadaptées pour exprimer la complexité du monde.

Aussi, certains écrivains ressentent la nécessité de se détourner des conventions narratives classiques et de “l’illusion référentielle”, qui sont pour eux trop éloignées du monde moderne et de sa fragmentation.

C’est dans ce contexte que des auteurs comme Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Michel Butor et Claude Simon commencent à publier des œuvres qui rompent radicalement avec les traditions narratives, explorant de nouvelles manières de raconter et de percevoir le monde.

Leurs expérimentations littéraires expriment les désillusions de l’après-guerre et sont une recherche de nouvelles formes d’expression qui pourraient capturer la complexité et l’ambiguïté de l’expérience humaine contemporaine.

Nouveau Roman : Principaux Écrivains

Alain Robbe-Grillet

L’impact d’Alain Robbe-Grillet sur la littérature moderne est considérable.

Il est l’un des principaux théoriciens du Nouveau Roman avec Nathalie Sarraute. On le considère d’ailleurs comme le chef de file du mouvement, ce qui est inexact étant donné que le mouvement n’est pas constitué en école littéraire.

Son texte théorique principal : Pour un nouveau roman (1963), pose, avec l’Ère du soupçon (1956) de Sarraute, les bases du mouvement.

Robbe-Grillet y rejette l’intrigue traditionnelle et la profondeur psychologique des personnages au profit d’une description minutieuse, presque obsessionnelle des objets et des espaces.

Ses deux romans principaux, Les Gommes (1953) et La Jalousie (1957), mettent en pratique, avant leur formalisation, ses théories.

Dans Les Gommes, il déconstruit le genre policier en se concentrant sur les détails sensoriels plutôt que sur l’intrigue.

La Jalousie explore la perception subjective et fragmentée du narrateur, utilisant des descriptions qui se répètent de manière obsessionnelle pour faire sentir une atmosphère de suspicion et de malaise.

Ces œuvres marquent un tournant dans la littérature française, proposant une nouvelle manière de percevoir et de représenter la réalité grâce au langage.

Nathalie Sarraute

Nathalie Sarraute est considérée comme la pionnière du Nouveau Roman avec son recueil Tropismes paru en 1939.

Avant Robbe-Grillet, elle explore dans ce recueil les mouvements intérieurs propres à chacun à travers une série de courts textes axés sur les impressions, délaissant les intrigues conventionnelles pour se concentrer sur les sensations et les perceptions.

Son essai L’Ère du soupçon (1956) refuse les conventions littéraires traditionnelles et propose une nouvelle approche centrée sur les fameux “tropismes”, ces mouvements intérieurs imperceptibles qui animent les personnages.

Le Planétarium poursuit cette exploration en utilisant le monologue intérieur et la fragmentation narrative pour dévoiler les pensées et les émotions cachées des personnages. Son travail a radicalement transformé la compréhension de la psychologie dans la littérature.

Michel Butor

Michel Butor est connu pour ses innovations narratives et ses expérimentations formelles qui ont enrichi le Nouveau Roman.

Son œuvre la plus célèbre, La Modification (1957), introduit l’utilisation du “vous” narratif, qui implique le lecteur dans l’expérience du protagoniste et brouille les frontières entre auteur, personnage et lecteur.

Butor a également exploré de nouvelles formes de narration dans L’Emploi du temps (1956), où il utilise une structure circulaire et des motifs récurrents pour raconter l’histoire d’un jeune expatrié en Angleterre.

Son travail se caractérise par une attention aux détails quotidiens et une exploration des perceptions subjectives du temps et de l’espace.

Claude Simon

Claude Simon est un autre pilier du Nouveau Roman, celui qui lui offre sa consécration tardive en recevant le Prix Nobel de Littérature en 1985.

Reconnues pour leur exploration complexe de la mémoire et du temps, ses œuvres possèdent une structure fragmentée et un style dense, qui mêle souvenirs personnels, récits historiques et descriptions détaillées.

La Route des Flandres (1960) est l’une de ses œuvres les plus emblématiques. Simon y utilise le procédé du retour en arrière et des récits enchâssés pour raconter l’expérience d’un soldat pendant la Seconde Guerre Mondiale.

En se concentrant sur la mémoire subjective et la perception du temps, Simon déconstruit la linéarité narrative traditionnelle, créant une mosaïque de fragments qui reflète la nature chaotique de la mémoire et de l’expérience humaine.

On retrouve un travail similaire dans son roman Le Jardin des Plantes, publié bien plus tard, en 1997.

Caractéristiques et techniques narratives

Comme nous l’avons vu, le Nouveau Roman est un mouvement littéraire hétérogène qui regroupe une nébuleuse d’auteurs aux références et procédés largement différents.

Cependant, ils se regroupent derrière une admiration commune pour Joyce, Faulkner, Proust, Kafka et Woolf, puis, plus tard, derrière les deux grands ouvrages théoriques de Robbe-Grillet et Sarraute : Pour un nouveau roman et l’Ère du soupçon.

Au niveau de l’écriture en elle-même, les points de convergence entre ces écrivains sont les rejets suivants :

• Rejet de l’intrigue traditionnelle et des personnages psychologiquement définis
• Refus de “l’illusion référentielle” qui place l’intrigue comme vraisemblable
• Refus des techniques narratives classiques (chronologie linéaire, description, personnage)
• Rejet du langage et de la syntaxe traditionnels

À la place, les nouveaux romanciers travaillent sur les procédés suivants :

• Importance de la description et du détail
• Chronologie fragmentée, non linéaire, répétitions obsessionnelles
• Focalisation et points de vue multiples
• La puissance évocatrice du langage usuel

Influence du Nouveau Roman sur la littérature contemporaine

Le Nouveau Roman est un mouvement principalement actif entre les années 1950 et les années 1970. Sa reconnaissance critique arrive relativement tardivement, environ au même moment que son épuisement éditorial.

Cependant, l’héritage culturel et littéraire de ce mouvement est important puisqu’il influence des écrivains qui, sans s’en revendiquer, lui empruntent des procédés : J.-M. G. Le Clézio, Patrick Modiano, Georges Perec, pour ne citer que les plus connus.

Aujourd’hui, la production littéraire semble revenue à ses repères traditionnels de développement psychologique du personnage, d’intrigue et de chronologie linéaire.

Quelques mots en guise de conclusion

J’espère que ces quelques informations sur le Nouveau Roman pourront vous aider à mieux vous repérer dans la chronologie complexe de l’histoire littéraire française.

Pour rappel, ce n’est pas une classification rigide, ni en termes de dates, ni en termes d’auteurs. Les appellations sont bien souvent trouvées a posteriori.

L’importance est surtout de comprendre que tout écrivain se place dans une époque et écrit soit en réaction à un courant antérieur, soit en suivant un courant actuel ; l’un n’empêchant pas l’autre.

Comprendre qu’un écrivain n’écrit pas seul, mais qu’il est toujours intégré dans une époque, une mouvance, c’est une première étape pour s’améliorer en dissertation et commentaire littéraire !

Pour découvrir les 16 principaux mouvements littéraires, c’est ici : https://la-classe-du-litteraire.com/16-principaux-courants-litteraires-bac-francais/