Vous préparez l’oral du bac de français ? Vous avez travaillé sur Molière et vous voulez compléter vos cours ? Alors cette analyse linéaire de la scène 10 de l’acte 3 du Malade Imaginaire est pour vous !

Scène incontournable de la pièce, elle permet de parler de théâtre dans le théâtre et est riche en ressorts comiques.

L’analyse présentée ici propose un cadre que vous pouvez suivre et reproduire lors de l’épreuve anticipée de français. Toutes les analyses proposées ici peuvent être adaptées à différentes problématiques car le sens du texte ne change pas.

Avant de commencer à lire cette analyse, n’hésitez pas à vous reporter à mon article “comment analyser un texte en français” à ma “méthode de l’explication linéaire” pour mieux comprendre ma démarche. Vous pouvez aussi consulter ma courte biographie de Molière.

Le passage étudié de cette scène va de “je suis médecin passager” à “tandis que je serai dans cette ville”.

Introduction :

Présentation de l’auteur et de l’oeuvre

Le malade imaginaire acte 3 scène 10 analyse linéaire

Jean-Baptise Poquelin, dit Molière, est un acteur et dramaturge majeur du XVIIe siècle né en 1622 et mort en 1673.

Venant d’une famille aisée, il abandonne ses études de droit au grand désarroi de son père pour fonder, avec Madeleine Béjart en 1643, la troupe de “L’Illustre Théâtre”.

Au début, cette troupe n’a d’illustre que le nom. En effet, elle est rapidement écrasée par les dettes, et, Molière ne pouvant payer est emprisonné.

La suite appartient à l’Histoire. Molière est sorti de prison par son père puis part jouer des pièces comiques dans différentes villes de France avec ce qui reste de sa troupe.

Le succès est au rendez-vous.

Il devient d’abord protégé de “Monsieur” (le frère du roi), puis de Louis XIV qui fait de la troupe de Molière sa troupe officielle. Il écrit plusieurs comédies dites “de caractère” dans lesquelles il se sert du rire pour critiquer la société et certaines catégories de personnes.

Ses pièces les plus connues sont : “Le Tartuffe” (1669) “L’avare” (1668) “Le Misanthrope” (1666), et bien entendu “Le Malade Imaginaire” (1673), sa dernière pièce. Il s’agit d’une comédie-ballet. Molière y raconte l’histoire d’Argan, un avare hypocondriaque souhaitant marier sa fille à un médecin contre son gré.

Situation du passage dans l’oeuvre

Dans l’acte 3, face à l’obstination d’Argan à marier sa fille à Thomas Diafoirus contre son gré, Toinette a l’idée de se déguiser en médecin pour ramener l’hypocondriaque à la raison. La scène 10 est une scène de consultation où Toinette se moque de son maître, et de la médecine.

Problématique

Pour mener une analyse linéaire précise de l’acte 3 scène 10 du Malade Imaginaire, nous nous poserons la question suivante : de quelle manière cette scène de théâtre dans le théâtre permet de faire la satire de la médecine ?

Plan

Pour mener cette analyse linéaire du malade imaginaire acte 3 scène 10, nous suivrons les mouvements du texte. D’abord la présentation de Toinette en médecin du début du passage à “C’est du poumon que vous êtes malade .” Ensuite, un diagnostic comique de “Du poumon ?.” à “Que vous ordonne votre médecin pour votre nourriture ?” Enfin, la prescription hasardeuse de “Il m’ordonne du potage” à la fin de du passage.

Texte :

Le malade imaginaire acte 3 scène 10 analyse linéaire

Toinette.

Je suis médecin passager, qui vais de ville en ville, de province en province, de royaume en royaume, pour chercher d’illustres matières à ma capacité, pour trouver des malades dignes de m’occuper, capables d’exercer les grands et beaux secrets que j’ai trouvés dans la médecine. Je dédaigne de m’amuser à ce menu fatras de maladies ordinaires, à ces bagatelles de rhumatismes et de fluxions, à ces fiévrotes, à ces vapeurs, et à ces migraines. Je veux des maladies d’importance, de bonnes fièvres continues, avec des transports au cerveau, de bonnes fièvres pourprées, de bonnes pestes, de bonnes hydropisies formées, de bonnes pleurésies avec des inflammations de poitrine ; c’est là que je me plais, c’est là que je triomphe ; et je voudrois, monsieur, que vous eussiez toutes les maladies que je viens de dire, que vous fussiez abandonné de tous les médecins, désespéré, à l’agonie, pour vous montrer l’excellence de mes remèdes et l’envie que j’aurois de vous rendre service.

Argan.

Je vous suis obligé, monsieur, des bontés que vous avez pour moi.

Toinette.

Donnez-moi votre pouls. Allons donc, que l’on batte comme il faut. Ah ! je vous ferai bien aller comme vous devez. Ouais ! ce pouls-là fait l’impertinent ; je vois bien que vous ne me connoissez pas encore. Qui est votre médecin ?

Argan.

Monsieur Purgon.

Toinette.

Cet homme-là n’est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. De quoi dit-il que vous êtes malade ?

Argan.

Il dit que c’est du foie, et d’autres disent que c’est de la rate.

Toinette.

Ce sont tous des ignorants. C’est du poumon que vous êtes malade.

(Partie 2)

Argan.

Du poumon ?

Toinette.

Oui. Que sentez-vous ?

Argan.

Je sens de temps en temps des douleurs de tête.

Toinette.

Justement, le poumon.

Argan.

Il me semble parfois que j’ai un voile devant les yeux.

Toinette.

Le poumon.

Argan.

J’ai quelquefois des maux de cœur. 

Toinette.

Le poumon.

Argan.

Je sens parfois des lassitudes par tous les membres.

Toinette.

Le poumon.

Argan.

Et quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre, comme si c’étoient des coliques.

Toinette.

Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez ?

Argan.

Oui, monsieur.

Toinette.

Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin ?

Argan.

Oui, monsieur.

Toinette.

Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas, et vous êtes bien aise de dormir ?

Argan.

Oui, monsieur.

Toinette.

Le poumon, le poumon, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre nourriture ?

(Partie 3)

Argan.

Il m’ordonne du potage,

Toinette.

Ignorant !

Argan.

De la volaille,

Toinette.

Ignorant !

Argan.

Du veau,

Toinette.

Ignorant !

Argan.

Des bouillons,

Toinette.

Ignorant ! 

Argan.

Des œufs frais ;

Toinette.

Ignorant !

Argan.

Et le soir, de petits pruneaux pour lâcher le ventre ;

Toinette.

Ignorant !

Argan.

Et surtout de boire mon vin fort trempé.

Toinette.

Ignorantus, ignoranta, ignorantum. Il faut boire votre vin pur ; et, pour épaissir votre sang, qui est trop subtil, il faut manger de bon gros bœuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande ; du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner. Votre médecin est une bête. Je veux vous en envoyer un de ma main ; et je viendrai vous voir de temps en temps, tandis que je serai en cette ville.

Le Malade Imaginaire, Acte 3 Scène 10 : Analyse Linéaire

La présentation de Toinette en médecin :

Au début de cette scène, Toinette, déguisée en médecin, cherche à impressionner Argan.

Réplique 1 :

Toinette gonfle son ego dès sa première réplique avec la gradation ascendante “de ville en ville, de province en province, de royaume en royaume”. Elle veut montrer à Argan qu’un grand médecin voyage pour trouver “d’illustres matières à (sa) capacité”.

Elle développe un paradoxe dans l’ensemble de sa réplique : celui que ce serait au médecin de chercher de bons patients. Elle affirme en effet chercher des “malades dignes de (l’)occuper”. Cela donne l’impression que le patient n’est rien de plus qu’un divertissement pour le médecin.

Elle appuie ce paradoxe avec un champ lexical du mépris et une énumération désignant les maladies courantes “je dédaigne” ; “menu fatras de maladies ordinaires” ; “bagatelles” ; “fiévrottes” qu’elle oppose aux “maladies d’importance” : “de bonnes pestes”, “de bonnes hydropisies” … Cela permet à Toinette de faire illusion en listant des noms de maladies impressionnantes.

On constate également les oxymores car chaque maladie va de pair avec l’adjectif mélioratif “bonnes”. Cela donne à penser que le médecin est heureux de voir le patient souffrir.

L’ego de Toinette, et donc des médecins qui sont moqués ici, est également mis en avant par le parallélisme “c’est là que je me plais, c’est là que je triomphe”. On voit que pour elle, la médecine est un jeu au service de son honneur et non des patients.

Enfin, la dernière longue phrase de la réplique, commence respectueusement par mettre en exergue “Monsieur” entre virgules, mais reprend ensuite le paradoxe.

Elle lui souhaite du mal avec la gradation “que vous eussiez toutes les maladies que je viens de dire, que vous fussiez abandonné de tous les médecins, désespéré, à l’agonie” car cela lui permettrait de briller dans son art.

Réplique 2 :

La réponse d’Argan est comique car elle montre encore qu’Argan ne voit pas qu’on se moque de lui. Il remercie Toinette alors qu’elle vient de lui souhaiter de grands maux.

Réplique 3 :

Toinette commence à ausculter Argan. Elle se montre autoritaire en employant l’impératif “donnez-moi votre pouls”. Elle personnifie le pouls “ce pouls là fait l’impertinent” comme s’il avait sa propre volonté et affirme pouvoir le faire “aller comme (il doit)”.

Elle fait rire le spectateur en jouant avec l’idée absurde qu’un médecin peut guérir le pouls en lui faisant peur : “je vois bien que vous ne me connaissez pas encore”.

Elle demande ensuite à Argan le nom de son médecin.

Répliques 4 et 5 :

Argan donne le nom de Monsieur Purgon et Toinette en profite pour le dénigrer. Elle le met à distance avec le présentatif “Cet homme-là” et affirme qu’il ne fait pas partie des “grands médecins”.

Enfin, elle demande à Argan ce que Monsieur Purgon lui a diagnostiqué pour pouvoir critiquer sa compétence médicale : “De quoi dit-il que vous êtes malade ?”

Réplique 6 :

Le parallélisme dans la réponse d’Argan souligne l’incompétence générale des médecins de l’époque : “Il dit que c’est du foie, et d’autres disent que c’est de la rate.”

Réplique 7 :

Toinette affirme de manière hyperbolique que “ce sont tous des ignorants”. Cependant, ses conclusions : “c’est du poumon que vous êtes malade” sont encore plus hasardeuses que celles des autres médecins qui ciblaient au moins des organes proches. Ce décalage a un effet comique.

Un diagnostique comique :

Toinette va défendre son diagnostic absurde avec abnégation devant un Argan crédule, ce qui provoque le rire du spectateur.

Face à l’étonnement d’Argan (“du poumon ?”), Toinette ne juge pas nécessaire de donner des explications : “Oui.” Cette phrase non verbale se moque des médecins qui pensent qu’ils n’ont pas d’explications à donner, ils n’ont pas à justifier leur diagnostic.

S’en suit un jeu de question-réponse comique. Toinette demande : “que sentez-vous”. Argan commence alors à lister consciencieusement toutes les parties de son corps.

On trouve dans ses réponses le champ lexical du corps : “tête” ; “yeux” ; “coeur” ; “tous les membres” ; “ventre”. Cependant la réponse de Toinette est invariablement “le poumon”.

Cette répétition anaphorique est comique car le spectateur perçoit l’absurde de ramener toutes les douleurs imaginaires d’Argan au poumon, mais lui ne voit pas la supercherie.

Le fait que les répliques de Toinette ne prennent ici que la forme d’un Groupe Nominal Minimal répété sans expansion montre qu’il ne s’agit pas d’un examen, mais d’une affirmation aveugle qui prend sa réalité par la répétition.

Toinette utilise ensuite sa connaissance des habitudes de son maître pour lui poser une série de 3 questions rhétoriques : “Vous avez appétit à ce que vous mangez ?” ; “Vous aimez à boire un peu de vin ?” ; “Il vous prend un petit sommeil après le repas et vous êtes bien aise de dormir ?”.

Ces questions sont très générales et ne permettent en aucun cas d’étayer des hypothèses médicales. Cependant Toinette se sert des trois réponses identiques d’Argan : “Oui, Monsieur.” pour revenir à son diagnostic initial : “le poumon.”

Pour finir sa consultation, Toinette demande à Argan ce que Purgon lui prescrit comme nourriture. Cela va lui permettre, après avoir remis en cause son diagnostic, de remettre en cause son ordonnance.

Une prescription hasardeuse :

Le dialogue entre Argan et Toinette conserve ici la même structure de question-réponse.

Cette fois, c’est avec le lexique de la nourriture qu’Argan liste les ingrédients prescrits par Monsieur Purgon : “potage” ; “volaille” ; “veau” ; “bouillons” ; “oeufs frais” ; “petits pruneaux”.

Monsieur Purgon est ici décrédibilisé, car la nourriture prescrite à Argan n’est autre que les aliments mangés lors d’un banquet, qui plus est, listés dans le même ordre.

L’anaphore “ignorant” de Toinette participe de cette moquerie.

Dans sa dernière réplique, Toinette commence par parodier le langage des médecins avec du faux latin : “Ignorantus, ignoranta, ignorantum“.

Elle explique alors avec des phrases complexes et du vocabulaire non-médical qu’Argan devrait s’occuper de manger ce qui lui fait plaisir : de “bon gros porcs, de bon fromage de Hollande, du gruau et du riz (…)”

On note ici que Toinette se laisse peut-être entraîner dans son jeu d’imagination car elle fait rimer certains mots entre eux : “riz” avec “oublies” et “coller” et “conglutiner”.

L’effet produit est qu’elle passe d’une posture faussement sérieuse à une sorte de comptine ridicule qui souligne bien que rien de ce qu’elle dit n’est sérieux.

La phrase simple “Votre médecin est une bête” rappelle que l’objectif de ce déguisement était en premier lieu de décrédibiliser Monsieur Purgon.

Conclusion Analyse Linéaire du Malade Imaginaire Acte 3 Scène 10 :

Rappel du développement

Cette scène est une des plus comiques de la pièce.

La mise en scène de Toinette jouant le rôle d’un médecin provoque inévitablement le rire du spectateur.

Cela permet aussi à Molière de développer sa satire de la médecine, d’abord en critiquant l’égo des médecins, ensuite en montrant que leur diagnostics sont infondés et enfin en affirmant que leurs remèdes sont inefficaces.

Réponse à la problématique

On peut dire que cette scène permet une satire de la médecine, car le personnage de Toinette déguisée permet à Molière d’exagérer encore plus les défauts des médecins.

Il s’agit d’une scène parodique de consultation médicale.

Ouverture

Molière a déjà écrit une scène de fausse consultation médicale dans Le Médecin malgré lui (acte II, scène 4). Les deux scènes présentent des similitudes dans la manière dont sont moqués les médecins et leur incompétence.

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