Je vais vous présenter une analyse linéaire de la scène 19 de la pièce de Wajdi Mouawad Tous des Oiseaux. Si vous ne savez pas comment aborder un texte, n’hésitez pas à vous référer à ma méthode pour commencer l’analyse d’un passage ou à ma “méthode de l’explication linéaire”.

L’auteur :

Wajdi Mouawad est un dramaturge, comédien, metteur en scène et romancier Libano-Canadien né en 1968 à Deir-el-Qamar au Liban.

Il quitte ce pays avec sa famille en 1978, en raison de la guerre civile.

Son œuvre est profondément marquée par les questions de la guerre et de l’identité.

Il est principalement connu pour sa pièce Incendies (2003) et l’adaptation éponyme au cinéma (2010). Il s’agit d’une œuvre complexe et dense qui mêle guerre, famille, racines, ainsi qu’une indéniable influence de la tragédie antique. Depuis 2016, il est directeur artistique du théâtre de la colline, à Paris

L’oeuvre :

L’histoire :

Tous des oiseaux est une pièce de théâtre parue en 2018. L’intrigue est contemporaine. Elle met en scène deux étudiants : Eitan, un chercheur en génétique d’origine allemande et juive, et Wahida, une doctorante américaine d’origine arabe. Les deux sont convaincus que leurs origines ne signifient rien pour eux. lls se rencontrent dans une bibliothèque à New York et tombent amoureux.

Plus tard ils se rendent à Jérusalem, chez la grand-mère d’Eitan, pour comprendre qui était le père de son père et d’où vient la profonde conviction religieuse de ce dernier qui le pousse à refuser Wahida à cause de ses origines.

Là-bas, ils se retrouvent pris dans un attentat et Eitan tombe dans le coma. Sa famille arrive par le 1er avion. Cet accident fait ressortir leurs origines qu’ils pensaient enfouies. Wahida se découvre plus « arabe » qu’elle ne le pensait. 

Les thèmes abordés :

La pièce pose la question des racines et de leur influence sur le présent. En particulier elle interroge le spectateur sur la possibilité d’enterrer son passé, ses origines.

La guerre comme toile de fond est chère à Wajdi Mouawad. En plus d’être un sujet d’actualité (conflit Israélo-Palestinien), elle est inspirée de sa propre expérience des camps de réfugiés pendant la guerre civile libanaise.

Pour Wajdi Mouawad, la guerre secoue les individus et les force à changer de point de vue sur soi et sur l’autre. C’est un révélateur qui fait tomber les masques, en particulier ceux qu’on s’impose à soi-même.

Situation du passage dans l’oeuvre :

Dans la scène 19 de Tous des Oiseaux que nous allons analyser, Wahida revient de la ville de Ramallah où elle a pris conscience de ses racines.

Elle veut annoncer à Eitan qu’elle le quitte pour être auprès des siens pendant cette guerre. La scène est constituée d’une tirade de Wahida suivie d’un dialogue entre Wahida et Eitan.

Le texte à analyser :

19. Arabe

WAHIDA. Non. Cette Wahida est un délire. Il n’y a pas de Wahida ou alors je joue à Wahida, mais je ne suis pas Wahida parce que je ne sais pas qui est Wahida. L’attentat a tout fracassé et les miroirs se sont cassés et ce qui reste est aussi simple qu’insupportable : je suis arabe. C’est bête, n’est-ce pas ? Ton père avait raison, Ethan. Jamais je n’avais osé me l’avouer. Je suis arabe et personne ne m’a appris à l’être, au contraire, on a tout fait pour m’en dégoûter. Et j’ai tout fait pour vomir ça hors de moi. Tout. J’ai blanchi de peau, je me suis débasanisée, policée à fond. La chance aura été cette beauté qui aveugle le monde et j’ai tout misé dessus, belle bouche, taille fine, Gros seins, belles fesses et plus personne pour dire tu as vu l’arabe, mais tu as vu la chienne, je me suis réduit à n’être plus qu’un trou, et dans cette Amérique qui m’a vu grandir, cet Occident si libre, si ouvert, ou tout nous est offert, cette Amérique si puissante, si vaste, si énorme, je préférais mille fois qu’on me pense bonne à baiser plutôt qu’on me crache au visage le mot arabe, mille fois plus être traité de pute que d’arabe ! C’est ça la vérité sur Wahida, Eitan. Depuis que je suis né on m’a appris à mépriser, à détester tout ce qui pouvait être arabe, sauf la bouffe, et c’est tout ça qui m’explose au visage au soleil plombant de cette guerre. Quelle conne ! Je croyais que je n’avais rien à voir avec ça, cette misère des arabes, cette laideur, ces corps gros, ces corps voilés, je croyais vraiment que ça n’avait rien à voir avec ma culture, avec ma vie ! Quelle conne ! Ce sont tous mes parents ! Mes sœurs, mes frères ! Ramallah au complet a l’odeur de ma mère ! Comment veux-tu que je survive ? ! Je croyais que je n’avais rien à voir avec ça ! Qu’on avait fait ce voyage pour ton père ! Je croyais que je n’étais là que pour t’appuyer ! Pas un seul instant je pensais que venir ici pouvait me concerner ! Peut-être parce que, dans ma tête de pauvre fille, quand il arrive quelque chose à l’homme, il ne peut pas arriver quelque chose à la femme, et ce qui arrive à l’homme est toujours plus important que ce qui arrive à la femme. Ce qui t’arrive sera toujours plus important que ce que ce qui m’arrive, Tes recherches seront toujours plus importantes que les miennes, ta vie plus douloureuse que la mienne, ton histoire plus extraordinaire que la mienne. Parce que tu es homme et juif, et que je suis femme et arabe. Et que peu, dis-moi, la pauvre histoire des arabes contre celle des juifs ! Je sais que ce n’est pas ce que tu penses, que jamais une idée comme celle-là ne t’a traversé l’esprit et c’est pour ça que je t’aime et que tu es l’homme de ma vie, mais pour toi être le centre est évident, tu n’y penses même pas ! Et on arrive ici. Et je vois ça. Je suis arabe, j’ai beau être une intellectuelle, avoir fui au bout du monde, posséder un passeport américain, avoir changé de langue, j’ai beau t’avoir rencontré toi, le juif, l’ennemi, j’ai beau me foutre de la religion, me foutre du monde, rien n’y change ! Je suis ça. Depuis trois ans, je me fais chier avec une thèse qui cherche à prouver combien il est dangereux de se clôturer à l’intérieur d’un principe d’identité, de s’attacher à ses identités perdues, comme si moi j’en étais dégagée ! Ce n’est que de la théorie universitaire de merde ! Des idées de merde ! La réalité est simple je suis ça ! J’appartiens à ça ! Et si je veux m’en libérer, m’en débarrasser, il faut au moins que je commence par me regarder en face. Si il y a une chose que je n’ai pas compris, ou pas voulu comprendre de Wazzàn, c’est sa curiosité, sa manière chaque fois différente d’être arabe, sa manière de toujours échapper au malheur. De cette manière, j’ai encore beaucoup à apprendre ! Il ne s’est pas dissimuler, au contraire, il a toujours choisi de se dévoiler devant la passion qu’il avait du monde. Je ne veux plus fuir, même si ça me fout la trouille, même si tout me dit de rentrer, d’oublier tout ça, mais je ne veux pas, je ne veux pas retourner avec toi, retrouver New York, ça n’aurait pas de sens, je dois juste me confronter à ça. Pas en touriste ou en théoricienne, mais directement, maintenant, en sacrifiant tout, là, dans le pire, de l’autre côté de ce mur et pendant cette guerre. Pardon, Eitan. Pardon. Mon amour, pardon, mais j’avais besoin que tu te réveilles pour que je puisse te quitter. Je te quitte. Je te dis ces mots et je ressens ce que ressent celui qui se fait exploser au milieu de la foule, je casse tout, je nous casse, je sépare la terre et je m’éloigne. C’est égoïste. Pendant cette guerre, ma place est là-bas. De l’autre côté de ce mur. Avec ceux qui vont perdre. Je veux me tenir avec mes sœurs. Celle du moins qui m’ont appelé comme ça. Ya ikhti. Je veux me tenir avec mes mères. Celle du moins qui m’ont appelé comme ça. Ya binti. Tu vois ? Je ne fais que dire ces deux mots en arabe et je tremble, signe de tout ce que j’ai perdu.

Long temps.

EITAN. Lève la tête. Que vois-tu ?

WAHIDA. Des oiseaux.

EITAN. Des oiseaux. Alors je ne vais pas te retenir. Les oiseaux vont et viennent de chaque côté de ce mur, quand ils sont là-bas, ils sont là-bas, quand ils sont ici, ils sont ici. Qui saurait dire le contraire ? Il existe pourtant des oiseaux quantique, à la fois là-bas et ici, apparus comme nous à l’instant du Big-Bang, et qui volent toujours au midi des deux mers. Je te le jure ! Je serais fou de me plaindre. Deux ans de bonheur. Pour quelqu’un comme moi, quelle chance ! Depuis cette descente d’escalier, chaque seconde passée était une seconde de gagnée puisque je l’ai passée avec toi, et même celle qui passe là, si amère, et là, et là. De toi j’ai tout pris comme un cadeau, chaque caresse, chaque baiser et tous les jours, je te jure, je me suis tenu prêt pour le moment où tu allais me quitter. Je l’ai attendu comme on attend la mort : un jour ça va arriver. Mais on a beau se tenir prêt on ne tient rien, et la mer Morte je vais l’avaler entière tout à l’heure quand tu vas te lever et que tu vas t’éloigner.

WAHIDA. Ce n’est pas parce qu’on se sépare qu’on se sépare. Il faut croire aux retrouvailles, faire comme les héros, Anne Hathaway et Matthew MacConaughey quand tombe leur vaisseau vers son trou noir. Ils s’aiment, mais se séparent sans que rien ne les sépare et sans savoir s’ils se reverront. Tombe notre vaisseau dans ce trou noir et nous voilà entraînés chacun vers une équation qu’on se doit de résoudre seul.

Eden entre.

EDEN. Je te ramène chez toi.

EITAN. Qu’est-ce qui se passe ?

EDEN. Trois bombes viennent d’exploser à l’aéroport de Tel-Aviv.

Le portable d’Eden sonne.

EITAN. Papa / je suis au courant, tu es où ? / Je te rejoins.

Il raccroche.

WAHIDA. Qu’est-ce qu’il va m’arriver maintenant ?

EDEN. Plus personne n’aura de pitié pour personne, Wahida. Si tu veux retraverser le mur et retourner là-bas, il te faut partir maintenant.

EITAN. Va avec elle. Le vaisseau tombe et tout nous sépare. Anne Hathaway et Matthew MacConaughey se retrouve à la fin du film même si on maudit le générique qui ne nous laisse pas la chance de les voir s’embrasser dans le vertige de leurs retrouvailles.

Wahida embrasse Eitan. Wahida et Eden partent. Eitan s’éloigne. Sirènes.

Analyse Linéaire de la scène 19 de la pièce Tous des Oiseaux :

Nous allons procéder à une explication linéaire du texte de cette scène en suivant ces 3 mouvements :

L.1 – L.17 « Évocation du passé de Wahida »

L.17 – L.38 « Prise de conscience »

L.38 – Fin « La séparation »

Pour une lisibilité plus facile, j’analyserai la scène 19 de la pièce Tous des oiseaux sous la forme d’une liste de remarques.

Tous des oiseaux – Scène 19 – Analyse linéaire Partie I : L’évocation de passé de Wahida

L.1 : Wahida entame sa tirade par l’adverbe de négation « non ». Ce refus symbolise un passage, celui de l’ancienne Wahida à la nouvelle Wahida. Ainsi, elle refuse de continuer à fermer les yeux sur ses origines et de jouer un rôle.

L.1 : l’utilisation du pronom démonstratif « cette Wahida » met une distance entre celle qu’elle est et celle qu’elle a été. Elle ne se reconnaît plus et se traite donc comme une étrangère. Étrangère à elle-même.

L.1 et 2 : 5 occurrences de « Wahida ». En plus de montrer qu’elle est au centre de son questionnement, cette répétition insiste sur la difficulté pour elle de se comprendre et se définir : « je ne suis pas Wahida parce que je ne sais pas qui est Wahida. »

L.2 : La guerre est le milieu nécessaire à la prise de conscience des individus : « la guerre a tout fracassé et les miroirs se sont cassés ». Le choc fissure la carapace et permet à Wahida de voir qui elle est réellement sous le masque qu’elle s’est imposé toute sa vie. La métaphore du miroir brisé renvoie à l’image qu’elle avait d’elle-même par le passé et qui est désormais détruite.

L.3 : La vérité lui apparaît simplement, sous la forme d’une phrase neutre et de construction basique : « jamais je n’avais osé me l’avouer. Je suis arabe. »

L.5 : Début du retour sur son passé. Emploi d’une métaphore symbolisant le dégoût pour ses origines : « J’ai tout fait pour vomir ça hors de moi. Tout. » On note également l’insistance sur l’adverbe « tout » qui renforce l’idée de dégoût qu’elle avait pour ses origines. Elle évoque ensuite une transformation physique, comme si, en plus d’oublier ses origines culturelles, elle avait souhaité changer son apparence de manière totale : « j’ai blanchi de peau, je me suis débasanisée »

L.6 à 10 : Elle explique ici s’être caché derrière sa beauté. Elle liste ses attributs physiques de manière crue « belle bouche, taille fine, gros seins, belles fesses » et va jusqu’à affirmer qu’elle préférait être vue comme un « trou » (métonymie et métaphore péjorative qui ramène la femme à son sexe) et « traitée de pute que d’arabe ». On note ici le parallélisme « tu as vu l’arabe, tu as vu la chienne » qui illustre la transformation qu’elle a opérée en elle pour n’être vue qu’à travers sa beauté et sa sexualité. La mention de son environnement « cette Amérique si puissante, si vaste, si énorme » (gradation) permet à l’auteur de critiquer à la fois la vision péjorative de la femme dans la société, et celle de l’arabe. 

L.11 : « C’est ça la vérité sur Wahida » Elle met une distance avec son passé de nouveau, elle ne se reconnait pas, donc elle parle d’elle comme d’une autre personne.

L.12 : Usage du pronom impersonnel « on » pour critiquer la société : « on m’a appris à mépriser, détester tout ce qui pouvait être arabe, sauf la bouffe ». Elle évoque ici un fait social, général et commun en utilisant ce pronom à valeur généralisante. La reprise « mépriser, détester » a valeur d’amplification. Elle montre que non contente, de regarder de haut la culture arabe, la société la rejette de manière violente.

L.13 à 17 : Plusieurs phrases exclamatives : « quelle conne » (X2) « Ce sont tous mes parents ! » « Mes sœurs, mes frères » montrent l’émotion de Wahida et son regret de son attitude passé. Elle prend conscience du caractère inique de sa vision des arabes qu’elle ne voyait que comme des « gros corps voilés ». Pour elle, c’était à peine des humains, mais seulement des corps. Elle réalise son erreur, réalise que ses origines sont plus présentes qu’elle ne voulait bien le croire en disant « Ramallah au complet a l’odeur de ma mère ». Elle a l’impression de se retrouver dans cette ville si différente de ce qu’elle a connu. La raison est qu’elle avait ça en elle, profondément enfoui.

Tous des oiseaux – Scène 19 – Analyse linéaire Partie II : La prise de conscience de Wahida

L.17 à 23 : Plusieurs phrases exclamatives mettent en avant l’émotion de Wahida. Ensuite, dénonciation d’une société sexiste -> Vision réduite de sa place et son importance : « je n’étais là que pour t’appuyer ». Elle utilise aussi le présent de vérité générale pour montrer qu’elle a intériorisé des idées sociales fausses « quand il arrive quelque chose à l’homme, il ne peut pas arriver quelque chose à la femme, et ce qui arrive à l’homme est toujours plus important que ce qui arrive à la femme ».

Ensuite, elle ramène ces propos généraux à leur couple, ce qui fait pressentir la rupture : « ce qui t’arrive est toujours plus important que ce qui m’arrive ». On voit l’opposition entre les pronoms personnels qui annonce l’incompatibilité des amants. Cette opposition est poursuivie dans 3 structures comparatives disposées en gradation : « Tes recherches seront toujours plus importantes que les miennes, ta vie plus douloureuse que la mienne, ton histoire plus extraordinaire que la mienne. ». 

Le parallélisme qui suit « parce que tu es homme et juif, et que je suis femme et arabe » symbolise leur incompatibilité de destin et, à la manière de Roméo et Juliette dans la pièce de Shakespeare, ou de Curiace et Camille dans la pièce de Corneille, les enferme dans un conflit plus grand qu’eux contre lequel ils ne peuvent pas lutter. Ainsi le tragique se manifeste par leur amour impossible.

L.25 à 27 : Elle cherche ensuite à le rassurer « je sais que ce n’est pas ce que tu penses » ; « tu es l’homme de ma vie » mais elle retombe sur l’impasse et le gouffre qui est apparu entre eux : « mais pour toi être le centre est évident, tu n’y penses même pas ! Et on arrive ici. » Ces propos adressés à Eitan résonnent dans une société construite et centrée autour de l’homme.

L.27 à 30 : Wahida explicite sa prise de conscience, d’abord par une phrase courte et directe : « je suis arabe. » Ensuite par une longue phrase qui exprime tout ce qui l’a par le passé éloigné de ses origines et qui se conclut par une brève exclamation montrant l’inutilité de lutter contre ses racines, contre qui l’on est : « j’ai beau être une intellectuelle, avoir fui au bout du monde, posséder un passeport américain, avoir changé de langue, j’ai beau t’avoir rencontré toi, le juif, l’ennemi, j’ai beau me foutre de la religion, me foutre du monde, rien n’y change ! »  

L.30 à 38 : Wahida comprend qu’elle perd son temps à chercher à combattre ses origines et ses racines avec des « théories universitaires de merde ». Wahida reconnait s’être trompée dans sa thèse consacrée à Hassan al-Wazzàn, ou Léon l’Africain : « S’il y a une chose que je n’ai pas comprise, ou pas voulu comprendre de Wazzàn, c’est sa curiosité, sa manière chaque fois différente d’être arabe, sa manière de toujours échapper au malheur ». Elle a commencé cette thèse sur Wazzàn en partant du principe qu’il se serait secrètement converti au catholicisme, une façon pour elle de rejeter encore plus loin ses origines. Mais elle remet cette idée en cause désormais. Elle ne comprenait pas que Wazzàn se rattache à des « identités perdues » et se retrouve à présent confrontée à ce problème.

Tous des oiseaux – Scène 19 – Analyse linéaire Partie III : La séparation des amants :

L.38 à 41 : l’accumulation des structures négatives : «  je ne veux plus fuir » « je ne veux pas » (X2) « ça n’aurait pas de sens » fait ressentir au spectateur l’étau qui se referme sur elle. Elle n’a plus d’autre choix que d’accepter ses origines et y faire face, toutes les autres voies sont barrées. Elle doit passer « de l’autre côté de ce mur » : ici le mur est à la fois réel (barrage, pont) et métaphorique, il symbolise le mur qui s’écroule en elle et qui la séparait de son identité profonde.

L.41 à 45 : Elle s’excuse auprès d’Eitan, car elle le sait victime collatérale de sa prise de conscience ; la métaphore de « celui qui se fait exploser au milieu de la foule » est par ailleurs révélatrice : ce que l’on garde au fond de soi peut devenir une bombe qui va détruire tout ce qui nous entoure. 

L.45 à 49 : Pendant la fin de sa tirade Wahida démontre qu’elle appartient désormais à une communauté. Elle n’est plus un individu isolé : « mes sœurs » ; « mes mères ». La jeune femme se sent proche de chaque femme à Ramallah comme d’un membre de sa famille, car elles partagent les mêmes racines. Elle exprime finalement la perte de son identité « tout ce que j’ai perdu » dans ce refus d’accepter ses origines pendant tout le début de sa vie.

l.50 à 61 : Eitan s’exprime pour la première fois. D’abord, deux phrases très courtes qui contrastent les longues envolées de Wahida : « lève la tête. Que vois-tu ? » Il apparait ainsi comme résigné. Wahida laissait ses émotions exploser à travers de nombreuses phrases exclamatives alors que Eitan est très calme. Il comprend qu’il ne peut pas s’opposer au destin.

C’est pourquoi il explique ensuite qu’il était préparé à cette séparation. Il se considère chanceux pour chaque moment passé aux côtés de Wahida : « Deux ans de bonheur. Pour quelqu’un comme moi, quelle chance ! ». 

Enfin, il accepte son impuissance « on a beau se tenir prêt, on ne tient rien » et sa tristesse « la mer Morte je vais l’avaler toute entière ». La mer est ici symbole de son malheur, et la métaphore hyperbolique d’avaler toute la mer amplifie la dimension pathétique du personnage.

L.62 à 68 : Wahida reprend la parole et se veut plus rassurante. Elle évoque le film interstellar (Christopher Nolan, 2014), et cette intertextualité offre l’espoir de retrouvailles : « il faut croire aux retrouvailles ». On remarque aussi que Wahida est finalement déchirées entre deux êtres, celui de ses origines arabes qu’elle a découvert à Ramallah, et celui de son éducation occidentale, qui considère encore les personnages d’un film appartenant à la pop culture américaine comme des « héros ».

L.69 à la fin : La séparation s’accélère, comme dans une tragédie classique, à l’arrivée du messager. Ici Eden qui annonce l’explosion de bombes à l’aéroport. Une fois de plus les personnages sont bousculés par la guerre qui les pousse à agir. Quand Eden dit à Wahida : « il te faut partir maintenant », c’est le destin qui parle.

Eitan reprend la référence intertextuelle à Interstellar. Il rappelle à Wahida que « Anne Hathaway et Matthew MacConaughey se retrouve à la fin du film ».

À la manière d’un film Hollywoodien, les deux personnages se séparent sur baiser : « Wahida embrasse Eitan ». Ensuite les « sirènes » de la guerre mettent un terme à la scène. 

Conclusion pour l’analyse linéaire de la scène 19 de Tous des Oiseaux :

Ce passage est très riche car il pose la question de l’identité. Est-on défini par sa naissance, son éducation, ses croyances ? Le dramaturge profite également de la crise identitaire de Wahida pour porter un regard sévère sur la société américaine, son sexisme et son racisme latents.

Aussi, on retrouve des références à la tragédie classique, notamment le destin implacable contre lequel les personnages luttent en vain. Seulement, ici, les personnages semblent plus prompts à accepter leur destin, ce qui pourrait les sauver au bout du compte. Également, le destin n’arrive pas du futur, comme dans les tragédies classiques et antiques, mais du passé. Ce sont les origines qui rattrapent les personnages et les confrontent à leurs contradictions.

Enfin, Wajdi Mouawad interpelle le lecteur sur la guerre. Il montre qu’elle oppose des individus pris au piège par leurs convictions et par leur passé. On peut dire que pour lui, la guerre est le terreau de la tragédie en cela qu’elle enveloppe l’individu dans le tourbillon du collectif.

Besoin d’une aide personnalisée ?

Je propose également des cours particuliers pour tous niveaux :

  • Préparation d’examens
  • Stages méthodologiques
  • Révisions culture littéraire
  • Grammaire et orthographe
  • Et bien d’autres possibilités

Le tout en 100% distanciel (par WebCam) à partir de 50 euros / heure.

N’hésitez pas à me contacter ([email protected]) pour davantage de renseignements, et pour réserver votre premier cours !

Recommended Articles

Leave A Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *