Bienvenue dans cette analyse linéaire du poème “Le dormeur du val” d’Arthur Rimbaud.

Il s’agit d’un poème très riche et très étudié. Il y a d’ailleurs fort à parier que vous l’avez déjà lu en primaire ou au collège. Mais comme il est très connu, les attentes seront plus importantes si vous tombez dessus le jour de l’oral du bac de français.

Dans cet article, je vous offre une analyse linéaire complète et détaillée du poème pour vous aider à bien vous préparer.

L’analyse présentée ici propose un cadre que vous pouvez suivre et reproduire lors de l’épreuve anticipée de français. Vous pouvez bien entendu modifier la problématique, ou certaines analyses à votre convenance.

Avant de commencer à lire cette analyse, n’hésitez pas à vous reporter à mon article “comment analyser un texte en français”, à ma “méthode de l’explication linéaire” ainsi qu’à mon article sur le vocabulaire de la poésie pour mieux comprendre ma démarche.

Introduction de l’analyse linéaire du poème « Le dormeur du val » des Cahiers de Douai

Phrase d’accroche

Illustration de la guerre franco-prussienne

En 1870, alors que la France est en guerre contre la Prusse, de nombreux auteurs fustigent le conflit ainsi que l’homme qui dirige le pays : Napoléon III.

Parmi eux, un jeune homme âgé d’à peine 16 ans écrit un poème d’une très grande beauté pour montrer l’iniquité du conflit.

Présentation de l’auteur

Ce jeune garçon, c’est Arthur Rimbaud.

En seulement quelques années, de l’adolescence à ses 21 ans, il va secouer la poésie. 

Enfant sage, bon élève, il brille principalement dans les disciplines littéraires. C’est sa rencontre avec son professeur Georges Izambard qui va le pousser à s’intéresser à la littérature en tant qu’artiste.

Commence une quête de liberté pour le jeune Rimbaud. Quête qui s’exprime par des fugues répétées, et par une volonté de révolutionner le langage poétique. 

Finalement, après des années chaotiques passées aux côtés de Paul Verlaine, à écrire et à vivre follement, Arthur Rimbaud décide d’arrêter définitivement la poésie. 

L’auteur des Illuminations décide de voyager et de vivre du commerce avant de mourir, quelques années plus tard, d’une tumeur au genou. 

Biographie complète d’Arthur Rimbaud ici.

Présentation de l’oeuvre

Le poème « Le dormeur du val » se trouve dans le premier recueil d’Arthur Rimbaud :  Cahier de douai. Ce recueil dont Rimbaud écrit les poèmes à l’occasion de ses fugues en 1870 ne sera publié qu’après sa mort, en 1919.

Présentation du poème

Dans “Le dormeur du val” Arthur Rimbaud utilise le cadre d’une nature idyllique pour critiquer la guerre franco-prussienne. Un jeune soldat semble dormir au milieu de la nature apaisante, mais la chute ramène le lecteur à la réalité brutale : le jeune garçon est mort.

Problématique

Pour guider notre explication du poème, nous nous demanderons de quelle manière ce sonnet permet de dénoncer la guerre.

Plan

Pour mener cette analyse linéaire du poème “Le dormeur du val” d’Arthur Rimbaud, nous suivrons le mouvement naturel du texte en adoptant un découpage par strophe.

La première strophe présente un cadre naturel idyllique. La seconde strophe décrit le personnage du jeune soldat. la troisième strophe insiste sur le sommeil du personnage et la dernière strophe invite à une relecture du poème en révélant la mort du soldat.

Le dormeur du val : Texte pour l’analyse linéaire

Le dormeur du val

C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

« Le dormeur du val » d’Arthur Rimbaud : Analyse linéaire

I. Strophe 1

L’ouverture du poème par le présentatif “c’est” montre une volonté de description picturale. Le poète va s’adresser à l’imaginaire du lecteur.

Dès lors, le poème donne à voir une paysage idyllique, mais aussi ambigu.

Le “trou de verdure” évoque un havre de paix, mais peux également désigner une tombe à la 2e lecture.

Pourtant, dans cette première strophe, la gaité l’emporte : la nature est personnifiée (“chante une rivière” ; “accrochant follement” ; la montagne fière”) ce qui donne une impression de fête et d’harmonie.

La personnification des éléments naturels évoque également la vie de la nature qui s’oppose à la révélation de la mort du soldat au dernier vers.

Le tableau est également celui d’un paysage lumineux avec le champ lexical de la lumière : “D’argent” ; “Luit” ; “soleil” ; “rayons”. Les deux enjambements des vers 3 et 4 participent d’ailleurs à mettre en valeur cette lumière omniprésente.

Enfin le retour du présentatif au vers 4 permet de clore la description par une métaphore intéressante : “un petit val qui mousse de rayons”. Cette métaphore permet, en plus de renforcer la lumière du tableau, d’évoquer la nature comme un tout, avec des éléments qui fusionnent, donc une image d’harmonie.

Ainsi donc, dans cette première strophe, Rimbaud dresse un cadre verdoyant et agréable qui ne laisse pas supposer le caractère engagé du poème.

Pourtant, en ajoutant un personnage dans la seconde strophe, le poète peaufine peu à peu son tableau.

II. Strophe 2

Le groupe nominal “Un soldat jeune” permet d’introduire le personnage. On note l’utilisation de l’indéfini “un” qui permet d’universaliser le propos : il pourrait s’agir de n’importe quel soldat.

L’adjectif épithète “jeune” permet à Rimbaud de rappeler qu’un grand nombre des appelés à la guerre sont très jeunes.

La position du soldat est porteuse d’ambiguïté. Elle fait d’abord penser au sommeil avec un champ lexical dans l’ensemble de la strophe : “bouche ouverte” ; “Dort” ; “étendu” ; “lit”.

Le verbe “dort” est d’ailleurs repris par 3 fois (v. 7 ; 9 ; 13), comme pour insister sur l’immobilité du corps.

Comme dans la première strophe, les enjambements mettent des termes en valeur : “Dort” au vers 7 et “Pâle” au vers 8.

L’adjectif “pâle” accentue l’ambiguïté. Le soldat est-il seulement endormi, ou est-il également malade ? ou pire ? Ainsi, la “bouche ouverte” peut être lue comme un signe de sommeil profond, ou alors comme une attitude de mort.

On voit clairement que le personnage se dégage du paysage dans lequel il se trouve. Il n’entre pas en harmonie avec la nature.

Son immobilité parfaite s’oppose au mouvement incessant de la nature, rappelée par les référence à l’eau (toujours en mouvement) : “baignant” ; “pleut”.

De plus, au niveau des couleurs, l’antithèse du vers 8 permet d’opposer “pâle” avec la métaphore “la lumière pleut”.

Donc dans cette strophe, la nature continue d’évoquer la continuité de la vie et l’harmonie, mais le soldat fait tâche.

Lui seul ne bouge pas, lui seul est pâle, et la chaleur de la première strophe ne semble pas pouvoir le réchauffer. Au contraire, la seconde strophe insiste davantage sur le froid : “frais cresson bleu” ; “tête nue”.

Ainsi, la description du soldat dans cette strophe permet d’introduire des oppositions qui bouleversent l’harmonie naturelle. La strophe suivante s’intéresse plus encore à l’immobilité du soldat.

III. Strophe 3

On constate d’emblée la poursuite du lexique du sommeil : “il dort” ; “un somme” ; “berce-le”.

Cependant, de plus en plus de termes suggèrent qu’il ne fait pas que dormir.

D’abord, les glaïeuls peuvent faire penser à la mort (ce sont traditionnellement des fleurs de deuil).

Ensuite, la comparaison “comme sourirait un enfant malade” fait écho à l’adjectif “pâle” de la strophe précédente et interroge le lecteur sur l’état de santé du personnage.

Enfin, le froid suggéré dans la strophe 2 est enfin affirmé dans la strophe 3 : “il a froid”.

Tous ces éléments évoquent la maladie ou la mort et donnent à penser que le soldat n’est pas qu’endormi.

La nature apparaît encore comme une entité vivante grâce à la personnification impliquée par l’apostrophe et l’injonction : “Nature, berce-le chaudement”. L’opposition entre la chaleur de la nature et le froid du soldat se double d’une opposition entre la vie et la mort.

On note ici l’antithèse entre l’adverbe “chaudement” et le nom “froid”.

Enfin, on remarque dans cette strophe une insistance sur la jeunesse du soldat. Plusieurs termes suggèrent qu’il n’est qu’un enfant ; à commencer par “enfant”, mais aussi l’emploi du nom “somme” et surtout le verbe “berce-le”.

Cette insistance va permettre de renforcer le pathétique à la révélation de la mort du soldat dans la dernière strophe. Mort doublement contre-nature non seulement car elle s’oppose au mouvement et à la vie perpétuelle de la nature, mais aussi car il n’était qu’un enfant.

IV. Strophe 4

Le premier vers de la dernière strophe contient une négation grammaticale totale : “les parfums ne font pas frissonner sa narine”. Cette négation, dans une nature aussi vivace et stimulante suggère définitivement la mort. Aussi peut-on parler d’une litote pour dire que le soldat ne respire pas.

Le vers suivant souligne une dernière fois l’opposition entre le froid du corps et la chaleur de la nature. “Il dort dans le soleil” insiste sur l’idée que le soleil recouvre entièrement le corps avec la préposition “dans”, comme si le soleil englobait le soldat. Pourtant, le lecteur sait qu'”il a froid”.

Sa posture, “la main sur la poitrine” peut évoquer une posture solennelle, comme s’il était tombé au combat. Par ailleurs, la main sur la poitrine peut cacher une blessure, ce qui est confirmé au dernier vers.

Le rejet de l’adjectif “Tranquille” insiste une dernière fois sur l’immobilité du soldat avec ce début de vers qui s’éteint au bout d’un seul mot, comme un dernier souffle.

Cet enjambement permet également de faire renaître l’opposition entre le mouvement de la nature et l’immobilité du soldat.

Enfin, les derniers mots du poème, comme souvent dans les sonnets, constituent une chute : le soldat est mort.

Cependant, Rimbaud reste humble, se contentant de décrire sobrement, il ne tombe pas dans un registre pathétique ni polémique.

“Il a deux trous rouge au côté droit” clot le tableau sur l’image d’un soldat ayant reçu deux balles dans le coeur (vu de face, le côté droit est celui du coeur).

La couleur rouge apporte une dernière opposition entre le soldat et la nature, celle du vert pendant l’ensemble du poème et du rouge dans le dernier vers.

Cette phrase simple est d’ailleurs un euphémisme pour dire que le soldat a reçu deux balles. Rimbaud se montre donc pudique dans sa façon d’évoquer la mort, ce qui permet de renforcer son propos en laissant le lecteur constater l’horreur de lui-même.

Sans dire directement les choses, elles peuvent être encore plus criantes.

Cette révélation finale invite à une relecture du sonnet et permet de donner du sens aux différentes ambiguïtés relevées ci-avant.

On comprend également pourquoi le poème est structuré autour d’oppositions entre la nature et le personnage. La nature qui représente la vie ne peut être assimilée au soldat qui est mort. De plus, sa mort est contre-nature.

Conclusion de l’analyse linéaire du poème « Le dormeur du val » d’Arthur Rimbaud

Rappel du développement

Dans ce poème, Arthur Rimbaud dresse un tableau simple : une nature idyllique dans laquelle dort un jeune soldat. Seulement, au gré des indices qu’il sème, puis avec la révélation finale, le lecteur comprend que le soldat est mort, victime de la guerre.

Réponse à la problématique 

Si “Le dormeur du val” de Rimbaud est si connu, c’est parce qu’il réussit le tour de force de dénoncer la guerre sans vocabulaire militaire et sans registre polémique.

Tout en retenue, de manière picturale, Arthur Rimbaud arrive à faire naître une image frappante aux yeux du lecteur : celle de la mort contre-nature d’un jeune homme au nom d’idéaux guerriers insensés.

Ouverture

Arthur Rimbaud s’oppose fermement à Napoléon III d’une part, et à sa guerre contre la Prusse d’autre part. Pour lui ces conflits germent de l’avidité des tyrans et coûtent la vie à de jeunes hommes auxquels il s’identifie.

On peut évoquer le poème Le mal, autre sonnet dans lequel le poète critique également la mort inutile de nombreux soldats, mais cette fois, de manière plus directe et ironique.

Prolongements sur l’analyse linéaire du poème « Le dormeur du val » d’Arthur Rimbaud

Vous trouverez ici une liste des 25 figures de style à connaître pour le Bac. Pour ficher efficacement votre explication : https://la-classe-du-litteraire.com/comment-ficher-une-explication-lineaire/ et enfin, les erreurs à éviter à l’oral du Bac : https://la-classe-du-litteraire.com/bien-reussir-son-explication-lineaire/

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