Vous préparez l’oral du bac de français ? Vous avez travaillé sur Balzac et vous voulez compléter vos cours ? Alors cette analyse linéaire de la lettre XXVIII des Mémoires de deux jeunes mariées est pour vous !

C’est un moment clé du roman où Renée raconte en détails ce qu’elle ressent pendant sa grossesse.

L’analyse présentée ici propose un cadre que vous pouvez suivre et reproduire lors de l’épreuve anticipée de français. Vous pouvez bien entendu modifier la problématique, ou certaines analyses à votre convenance.

Avant de commencer à lire cette analyse, n’hésitez pas à vous reporter à mon article “comment analyser un texte en français” et à ma “méthode de l’explication linéaire” pour mieux comprendre ma démarche.

Introduction de l’analyse linéaire de la lettre XXVIII des Mémoires de deux jeunes mariées

Présentation de l’auteur et de l’oeuvre

Mémoires de Deux Jeunes Mariées, Lettre XXVIII : Analyse Linéaire (BAC 2023)
Balzac

Honoré de Balzac est un écrivain majeur du XIXe siècle. Né en 1799, il est d’abord inspiré par le Romantisme, puis se tourne de plus en plus vers le Réalisme jusqu’à sa mort en 1850.

Dès sa jeunesse, il fait le choix de vivre à Paris pour écrire. Ce choix le mène droit vers des difficultés financières qui le suivront toute sa vie.

Alors, pour pallier ces difficultés, il écrit, toujours plus. Journaliste, essayiste, critique, romancier, il touche à tout ce qui peut le rémunérer.

Près de 16 heures par jour il écrit, en consommant – selon certains – jusqu’à 50 tasses de café. Heureusement, ses efforts payent. Il vend ses romans, ses articles sont demandés, il vit de sa plume.

Mais son Grand Oeuvre, sa grande idée, c’est la Comédie Humaine. Un projet titanesque dont il a l’idée en 1840. Il veut décrire l’ensemble de la société de son temps dans un ensemble romanesque.

Le résultat aujourd’hui, c’est un projet non-terminé, mais comprenant déjà 95 romans et 2200 personnages, dont plusieurs reparaissants. C’est ce phénomène de récurrence des personnages qui offre à son oeuvre une cohérence unique.

C’est dans le cadre de ce projet qu’il écrit, en 1841, son unique roman épistolaire : Mémoires de deux jeunes mariées. Ce roman retrace l’histoire de deux amies, Louise et Renée, élevées ensemble au couvent, confrontant leurs expériences et conceptions divergentes de l’amour et du bonheur.

Situation du passage :

La XXVIIIe lettre du roman s’inscrit dans le récit de la grossesse de Renée à son amie Louise. Malheureuse dans son mariage de convenance, elle est convaincue que c’est dans la famille qu’elle trouvera son bonheur, dans la maternité en particulier.

Le passage étudié ici est une lettre de Renée à Louise où la première raconte à la seconde la réalité des angoisses et appétits de sa grossesse.

Problématique :

Cette lettre décrit la maternité de manière si réaliste et juste que George Sand, grande amie de Balzac a dit de lui qu’il devait garder “un souvenir d’existence antérieure où (il aurait) été femme et mère.” Aussi, nous demanderons-nous de quelle manière ce texte propose une évocation réaliste et crue de la grossesse.

Plan :

Pour mener cette analyse linéaire de la lettre XXVIII des Mémoires de deux jeunes mariées, nous suivrons les mouvements du texte. D’abord les maux de la grossesse du début du passage à “singuliers appétits de la grossesse.” Ensuite, les oranges pourries  de “Si je dois te dire” à “ma santé s’est rétablie.” Enfin, la dépravation naturelle de “Ces dépravations” à la fin de du passage.

Texte de la lettre XXVIII des Mémoires de deux jeunes mariées de Balzac pour l’analyse linéaire

DE MADAME DE L’ESTORADE À LOUISE DE CHAULIEU

Mais, comme il n’y a pas de famille sans enfant, mon désir voudrait pouvoir hâter le moment où pour moi commenceront les plaisirs de la famille, qui doivent être ma seule existence. En ce moment, ma vie est une vie d’attente et de mystères, où la souffrance la plus nauséabonde accoutume sans doute la femme à d’autres souffrances. Je m’observe. Malgré les efforts de Louis, dont l’amour me comble de soins, de douceurs, de tendresses, j’ai de vagues inquiétudes auxquelles se mêlent les dégoûts, les troubles, les singuliers appétits de la grossesse. Si je dois te dire les choses comme elles sont, au risque de te causer quelque déplaisance pour le métier, je t’avoue que je ne conçois pas la fantaisie que j’ai prise pour certaines oranges, goût bizarre et que je trouve naturel. Mon mari va me chercher à Marseille les plus belles oranges du monde ; il en a demandé de Malte, de Portugal, de Corse ; mais ces oranges, je les laisse. Je cours à Marseille, quelquefois à pied, y dévorer de méchantes oranges à un liard, quasi pourries, dans une petite rue qui descend au port, à deux pas de l’Hôtel-de-Ville ; et leurs moisissures bleuâtres ou verdâtres brillent à mes yeux comme des diamants : j’y vois des fleurs, je n’ai nul souvenir de leur odeur cadavéreuse et leur trouve une saveur irritante, une chaleur vineuse, un goût délicieux. Eh ! bien, mon ange, voilà les premières sensations amoureuses de ma vie. Ces affreuses oranges sont mes amours. Tu ne désires pas Felipe autant que je souhaite un de ces fruits en décomposition. Enfin je sors quelquefois furtivement, je galope à Marseille d’un pied agile, et il me prend des tressaillements voluptueux quand j’approche de la rue : j’ai peur que la marchande n’ait plus d’oranges pourries, je me jette dessus, je les mange, je les dévore en plein air. Il me semble que ces fruits viennent du paradis et contiennent la plus suave nourriture. J’ai vu Louis se détournant pour ne pas sentir leur puanteur. Je me suis souvenue de cette atroce phrase d’Obermann, sombre élégie que je me repens d’avoir lue : Les racines s’abreuvent dans une eau fétide ! Depuis que je mange de ces fruits, je n’ai plus de maux de cœur et ma santé s’est rétablie. Ces dépravations ont un sens, puisqu’elles sont un effet naturel et que la moitié des femmes éprouvent ces envies, monstrueuses quelquefois. Quand ma grossesse sera très visible, je ne sortirai plus de la Crampade : je n’aimerais pas à être vue ainsi.

Lettre XXVIII des Mémoires de deux jeunes mariées : Analyse linéaire

I. Les maux de la grossesse :

Renée mentionne d’emblée la « famille » comme son objectif principal. Ainsi, elle conjugue son bonheur au futur « mon désir voudrait pouvoir hâter le moment où pour moi commenceront les plaisirs de la famille ». 

Elle oppose ce bonheur annoncé à sa vie actuelle grâce au complément circonstanciel de temps « En ce moment » et au constat au présent « ma vie est une vie d’attente et de mystère ».

On voit d’ailleurs que malgré son impatience d’être mère, elle vit dans la crainte « d’autres souffrances », celles de l’accouchement. Elle se plaint également de la « souffrance la plus nauséabonde », ce qui montre au lecteur la partie difficile de la grossesse, loin d’être idéalisée ici.

C’est surtout la solitude morale qui mine Renée. Car même si Louis fait tous les « efforts » possibles, qu’elle désigne par l’énumération de termes positifs (« amour » ; « soins » ; « douceurs » ; « tendresses »), elle subit seule les doutes de la grossesse.

On constate qu’elle oppose des termes négatifs à l’amour de Louis (« vagues inquiétudes » ; « dégoûts » ; « troubles » ; « singuliers appétits ») qui montrent qu’elle ne trouve pas le soutien qu’elle souhaiterait chez son mari, qui ne la comprend pas.

II. Les oranges pourries

La seule personne qui l’écoute vraiment, c’est Louise. C’est pourquoi elle lui fait cet aveu : « si je dois te dire les choses comme elles sont, au risque de te causer quelque déplaisance pour le métier », elle lui annonce le projet réaliste d’évoquer sa grossesse sans filtre, de lui parler sans dissimuler ni idéaliser.

Le premier aveu est celui qu’elle ne se comprend plus elle-même : « je ne conçois pas » ; « goût bizarre ». Elle est étrangère à son propre corps, à ses propres désirs.

Cette incompréhension se traduit par une longue opposition entre les magnifiques oranges que lui offre son mari, « les plus belles oranges du monde » (hyperbole) ; « de Malte, de Portugal, de Corse » (énumération des lieux exotiques d’où il les fait venir) et les « méchantes oranges à un liard, quasi pourries » dont elle ne peut plus se passer.

En effet, face à ces oranges, elle devient une autre Renée, presque animale. Elle « cour(t) » à Marseille, « à pied », pour « dévorer » les oranges pourries. On voit bien ici qu’elle abandonne toute forme de bienséance pour se laisser aller à ses désirs.

D’ailleurs, elle reste bien consciente de l’horreur que représentent ces oranges. Elle les désigne, d’un point de vue visuel et olfactif, comme étant « bleuâtres ou verdâtres » (suffixes péjoratifs) et avec une « odeur cadavéreuse ». 

Pourtant, elle les idéalise, en témoignent la comparaison « comme des diamants » et la métaphore « j’y vois des fleurs ». L’énumération tripartite de leurs qualités gustatives vient couronner cette perception idéalisée des oranges : « une saveur irritante, une chaleur vineuse, un goût délicieux ». 

On note également l’hyperbole, quelques lignes plus loin : « ces fruits viennent du paradis et contiennent la plus suave nourriture ».

Cette description évoque le sentiment amoureux, car bien que sachant que les oranges ne sont pas propres à la consommation, elle est néanmoins attirée par elles.

L’interjection « Eh ! » suivie de l’affirmation « voilà les premières sensations amoureuses de ma vie » confirment que c’est un sentiment presque passionnel qui anime son envie d’oranges.

Renée va ensuite plus loin en rapprochant ces oranges d’un amant, d’un amour inavouable.

Elle affirme d’abord « ces oranges sont mes amours », et se montre ensuite sortir « furtivement » (complément circonstanciel de manière), s’enfuir à Marseille, ressentir des « tressaillement voluptueux » et se « jet(er) » sur les oranges.

On voit ici qu’elle se comporte comme avec un homme pour qui elle ressentirait un impérieux désir.

Elle compare également son désir des « fruits en décomposition » au désir de Louise pour Felipe (« tu ne désires pas Felipe autant que je souhaite un de ces fruits en décomposition »).

Renée devient une autre, perd tout contrôle et « galope » (verbe animalisant) pour retrouver ses « affreuses oranges ». Elle éprouve par ailleurs des angoisses amoureuses : « j’ai peur que la marchande n’ait plus d’orange pourries ».

Pour insister sur son comportement animal, elle utilise la gradation : « je me jette dessus, je les mange, je les dévore en plein air ». Le complément circonstanciel de lieu « en plein air » confirme d’ailleurs le rapprochement avec un animal, la perte de bienséance.

Après cette envolée, elle est ramenée à la réalité par l’image de « Louis se retournant pour ne pas sentir leur puanteur ». On voit donc que sa grossesse lui fait ressentir un goût anormal, que Louis ne peut pas comprendre.

Elle mentionne enfin une pensée d’Oberman de Senancour : « les racines s’abreuvent dans une eau fétide ». Cette intertextualité signifie que le cycle de la vie consiste à se nourrir de la mort.

Elle qui s’apprête à donner la vie n’échappe pas à ce cycle naturel, qui d’ailleurs, la guérie : « je n’ai plus de maux de cœur et ma santé s’est rétablie ». Pourtant, elle est mal à l’aise, et se « repen(t) d’avoir lu » « cette atroce phrase » qui la ramène à ses instincts primaires.

III. La dépravation naturelle

Elle résume tous ces changements qui s’opèrent en elle par le mot de « dépravations ». Un mot fort qui montre qu’elle porte un jugement moral péjoratif sur son comportement.

Elle considère ces « envies » comme « monstrueuses », c’est-à-dire étrangères à la norme, inhumaines. Elle est quand même consciente que c’est un phénomène « naturel », mais masqué par la société.

Pourtant, elle rappelle que « la moitié des femmes éprouvent ces envies ». Ainsi, elle a dressé à Louise le tableau d’une vérité que la plupart des femmes préfèrent cacher. Elle a évoqué les difficultés de sa grossesse avec une crudité et une honnêteté particulièrement rare à l’époque de Balzac.

Cependant, bien qu’elle se confie à Louise en toute confiance, elle n’est pas prête à se montrer au monde.

Elle affirme : « Quand ma grossesse sera très visible, je ne sortirai plus de la Crampade : je n’aimerais pas à être vue ainsi. » On voit quand même que ces phénomènes corporels et hormonaux sont encore très tabous à l’époque.

Conclusion de l’analyse linéaire de la lettre XXVIII des Mémoires de deux jeunes mariées

Rappel du développement 

Dans ce passage, Renée relate d’abord son souhait d’être mère, mais elle nuance rapidement cette joie anticipée en évoquant les angoisses de sa grossesse.

Elle raconte ensuite longuement à Louise comme elle se devient une étrangère, prise d’une passion malsaine et incontrôlable pour des oranges pourries.

Enfin, elle juge son comportement dépravé, monstrueux, mais tout à fait naturel, et fait ressentir de cette façon, que la société fait de la grossesse des femmes un sujet tabou.

Réponse à la problématique

On constate donc ici que Renée se fait un devoir de raconter à son amie Louise toute la vérité sur sa grossesse.

Elle n’idéalise pas le bonheur qu’elle ressent, mais insiste au contraire sur son mal-être, ses angoisses et ses pulsions. En décrivant son personnage dans cet état, Balzac montre une image rare de la grossesse pour son époque.

Ouverture

L’auteur poursuivra cette description réaliste du travail de mère dans la lettre XXXI en racontant l’accouchement de Renée et l’allaitement, deux sujets très rares chez ses contemporains.

C’est cette connaissance d’un domaine très privé des femmes qui a fait dire à George Sand que Balzac savait “tant de chose que personne ne sait”.

Prolongements sur l’analyse linéaire de la lettre XXVIII des mémoires de deux jeunes mariées :

Vous trouverez ici une liste des 25 figures de style à connaître pour le Bac. Pour ficher efficacement votre explication : https://la-classe-du-litteraire.com/comment-ficher-une-explication-lineaire/ et enfin, les erreurs à éviter à l’oral du Bac : https://la-classe-du-litteraire.com/bien-reussir-son-explication-lineaire/

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