Pour vous préparer à l’écrit du Bac de français, je vous propose ici un exemple de commentaire littéraire entièrement rédigé pour le chapitre 13 de la partie 2 du roman Madame Bovary de Flaubert. Vous trouverez le texte et le commentaire rédigé au format PDF à la fin de cet article.

Pour une bonne lisibilité et un travail plus efficace, j’ai séparé le contenu par des titres qui ne doivent pas apparaître sur une copie rédigée. La version sans les titres se trouve dans le document PDF à la fin. 

Si ce n’est pas déjà fait, je vous invite à consulter mes différents articles sur le commentaire littéraire et en particulier la méthode générale, et la méthode précise pour commenter un texte narratif.

Commentaire Littéraire Madame Bovary Chapitre 13 Partie 2 : Le texte

Emma a fait part à Rodolphe, son amant, de son envie de s’enfuir avec lui. Il prend peur et décide de lui écrire une lettre de rupture.

 « Emma ! Oubliez-moi ! Pourquoi faut-il que je vous aie connue ? Pourquoi étiez-vous si belle ? Est-ce ma faute ? Ô mon Dieu ! non, non, n’en accusez que la fatalité ! » 

— Voilà un mot qui fait toujours de l’effet, se dit-il.

« Ah ! si vous eussiez été une de ces femmes au cœur frivole[1] comme on en voit, certes, j’aurais pu, par égoïsme, tenter une expérience alors sans danger pour vous. Mais cette exaltation délicieuse, qui fait à la fois votre charme et votre tourment, vous a empêchée de comprendre, adorable femme que vous êtes, la fausseté de notre position future. Moi non plus, je n’y avais pas réfléchi d’abord, et je me reposais à l’ombre de ce bonheur idéal, comme à celle du mancenillier[2], sans prévoir les conséquences. » 

— Elle va peut-être croire que c’est par avarice que j’y renonce… Ah ! n’importe ! tant pis, il faut en finir !

« Le monde est cruel, Emma. Partout où nous eussions été, il nous aurait poursuivis. Il vous aurait fallu subir les questions indiscrètes, la calomnie[3], le dédain, l’outrage peut-être. L’outrage à vous ! Oh !… Et moi qui voudrais vous faire asseoir sur un trône ! moi qui emporte votre pensée comme un talisman ! Car je me punis par l’exil de tout le mal que je vous ai fait. Je pars. Où ? Je n’en sais rien, je suis fou ! Adieu ! Soyez toujours bonne ! Conservez le souvenir du malheureux qui vous a perdue. Apprenez mon nom à votre enfant, qu’il le redise dans ses prières. » 

La mèche des deux bougies tremblait. Rodolphe se leva pour aller fermer la fenêtre, et, quand il se fut rassis :

— Il me semble que c’est tout. Ah ! encore ceci, de peur qu’elle ne vienne à me relancer :

« Je serai loin quand vous lirez ces tristes lignes ; car j’ai voulu m’enfuir au plus vite afin d’éviter la tentation de vous revoir. Pas de faiblesse ! Je reviendrai ; et peut-être que, plus tard, nous causerons ensemble très froidement de nos anciennes amours. Adieu ! » 

Et il y avait un dernier adieu, séparé en deux mots : À Dieu ! ce qu’il jugeait d’un excellent goût.

— Comment vais-je signer, maintenant ? se dit-il. Votre tout dévoué ?… Non. Votre ami ?… Oui, c’est cela.

« Votre ami. »

Il relut sa lettre. Elle lui parut bonne.

— Pauvre petite femme ! pensa-t-il avec attendrissement. Elle va me croire plus insensible qu’un roc ; il eût fallu quelques larmes là-dessus ; mais, moi, je ne peux pas pleurer ; ce n’est pas ma faute. Alors, s’étant versé de l’eau dans un verre, Rodolphe y trempa son doigt et il laissa tomber de haut une grosse goutte, qui fit une tache pâle sur l’encre ; puis, cherchant à cacheter la lettre, le cachet Amor nel cor[4] se rencontra. 

— Cela ne va guère à la circonstance… Ah bah ! n’importe !

Après quoi, il fuma trois pipes et s’alla coucher.


[1] Peu sérieux

[2] Petit arbre très toxique

[3] Fausse accusation

[4] Cire utilisée pour fermer une lettre avec une inscription qui se traduit par « amour dans le cœur »

Corrigé du Commentaire Littéraire Madame Bovary Chapitre 13 Partie 2

Commentaire littéraire corrigé Madame Bovary Chapitre 13 Partie 2

Introduction du commentaire littéraire sur Madame Bovary

Présentation de l’auteur et de l’oeuvre

Gustave Flaubert est un romancier du XIXe siècle né en 1821 et mort en 1881. Il est considéré comme l’un des maîtres du réalisme, courant littéraire cherchant à dépeindre le réel sans filtre et sans idéalisation. Projet que Flaubert poursuit dans son chef d’œuvre, Madame Bovary, publié en 1856. Le roman, qui décrit le quotidien et les aventures amoureuses d’une jeune femme mariée à un homme insuffisant, fait scandale à sa publication : certaines scènes jugées crues et immorales sont mises en cause. On peut alors affirmer que le projet réaliste est parfaitement réussi dans ce roman. 

Présentation du passage

Le passage qui nous intéresse ici est situé au chapitre 13 de la deuxième partie du livre. Emma Bovary, emportée par ses sentiments pour son amant Rodolphe lui a demandé s’enfuir avec elle. Le jeune homme, prenant peur, décide de rompre par écrit. La scène de l’écriture de la lettre permet au narrateur de faire voir au lecteur la véritable personnalité du personnage de Rodolphe.

Annonce de la problématique

Ainsi, nous nous demanderons de quelle manière le narrateur fait sentir au lecteur le cynisme de l’amant d’Emma.

Annonce du plan

Pour répondre à cette question, nous nous intéresserons d’abord à la mise en scène de la corvée d’écriture de la lettre, puis nous aborderons la stratégie de rupture imaginée par Rodolphe.

Développement du commentaire littéraire sur Madame Bovary

I.1

      L’extrait nous donne à voir une scène intéressante. Le narrateur passe successivement du contenu de la lettre qui s’écrit, aux remarques et réflexions de l’épistolier. 

On remarque dès le début de l’extrait cette alternance entre les guillemets « Emma ! Oubliez-moi ! » et les tirets « – Voilà un mot qui fait toujours de l’effet, se dit-il. » On note la différence de ton entre l’envolée quasi lyrique des premiers mots et la réflexion froide de Rodolphe. Les choix du narrateur, dans sa manière de rapporter la scène, mettent bien en exergue le cynisme et la fausseté du personnage. Derrière les exclamations pathétiques de sa lettre : « je suis un fou ! Adieu ! » se cache un personnage très froid. L’ironie narrative est perceptible quand Rodolphe ferme la fenêtre alors que le vent fait trembler les bougies : « La mèche des deux bougies tremblait. Rodolphe se leva pour aller fermer la fenêtre » Ici, on remarque le cliché romantique de la nature qui soutient les sentiments des personnages lorsque le vent fait vaciller la flamme des bougies. Ce cliché est aussitôt balayé par Rodolphe qui ferme la fenêtre. Le narrateur insiste donc avec une pointe d’humour sur l’insensibilité du personnage.

I.2 

      Ce qui compte vraiment pour Rodolphe, c’est de travailler sa lettre et de peaufiner son style. Il cherche à faire « de l’effet » (l.3). Pour cela, il inspecte chaque partie de sa lettre : « comment vais-je signer maintenant ? » ; « Il me semble que c’est tout. Ah ! encore ceci » ; « il relut sa lettre ». On voit qu’il est satisfait de son écriture, et que la beauté de sa lettre lui semble beaucoup plus importante que la peine qu’il va causer à sa maîtresse : « il relut sa lettre. Elle lui parut bonne » ; « et il y avait un dernier adieu, séparé en deux mots : À Dieu ! ce qu’il jugeait d’un excellent goût. » Rodolphe semble presque prendre du plaisir dans l’écriture de sa lettre de rupture, ce qui accentue son cynisme. Il développe par exemple, dans le 3e paragraphe, une longue phrase prudente, avec beaucoup de juxtaposition, de modalisation et de conditionnel qui montre bien qu’il tente d’écrire sans commettre d’impair : « Ah ! si vous eussiez été une de ces femmes au cœur frivole comme on en voit, certes, j’aurais pu, par égoïsme, tenter une expérience alors sans danger pour vous. » La précaution qu’il prend et les temps ampoulés qu’il emploie souligne le soin qu’il met à l’écriture. Cependant, on voit rapidement que l’écriture de la lettre lui coûte et qu’il préférerait s’adonner à d’autres activités : il souhaite se débarrasser de sa maîtresse trop présente le plus vite possible.

I.3

      Rapidement dans la scène, Rodolphe montre des signes d’impatience. L’interjection suivie de deux exclamations « Ah ! n’importe ! tant pis, il faut en finir ! » témoigne bien de son empressement. On remarque d’ailleurs que son envie de terminer rapidement la lettre l’emporte sur le soin qu’il met à l’écriture. Finalement, peu lui importe le mal qu’il fera à Emma en écrivant la lettre, il veut simplement passer à autre chose. Aussi, quand le seul cachet à sa disposition revêt l’inscription amoureuse Amor nel cor, il ne s’en préoccupe pas : « Cela ne va guère à la circonstance… Ah bah ! n’importe ! » Les points de suspension symbolisant l’hésitation du personnage sont bien vite balayés par les deux exclamations, signe de son empressement. Puis il oubli soudainement son hésitation, la dernière phrase de l’extrait contenant 2 verbes d’action, en succession rapide : « il fuma trois pipes et s’alla coucher. » On voit ici qu’il revient vite à une existence tranquille, faite de loisirs simples et d’un sommeil paisible.

Transition

      Ainsi, le narrateur, caché derrière son personnage, nous montre par son style incisif qu’écrire la lettre n’amuse pas très longtemps Rodolphe, et qu’il souhaite surtout terminer le plus vite possible. Il entend se débarrasser définitivement d’Emma pour retrouver sa tranquillité. Pour cela, il met en place une stratégie de rupture cynique.

II.1

      Rodolphe est un manipulateur. Voulant rompre avec Emma, il adopte un stratagème lâche pour ne pas avoir à la confronter. Et même dans sa lettre, il dissimule ses véritables sentiments pour partir « la tête haute ».

Ainsi, Rodolphe cherche à éviter tout conflit avec Emma en la complimentant à de multiples reprises. Dès la première ligne, il met sa beauté en avant avec la question rhétorique « pourquoi étiez-vous si belle ? » L’adverbe d’intensité « si » confère à cette plainte un caractère presque hyperbolique. Il affirme donc avoir été victime de la beauté de la jeune femme. On remarque toutefois qu’il cherche à empêcher Emma de penser à leur relation au présent en mentionnant sa beauté au passé (imparfait). Il loue également sa vertu de manière indirecte en l’opposant aux femmes peu sérieuses : « si vous eussiez été une de ces femmes au cœur frivole » et complimente son caractère, « adorable femme que vous êtes » ; « exaltation délicieuse ». Il est possible de lire ici une forme d’ironie ou de moquerie du narrateur qui prête au personnage des tournures courtoises démodées ou exagérées. On remarque enfin dans le troisième paragraphe un champ lexical du bonheur et de l’amour visant à améliorer les dispositions d’Emma envers Rodolphe : « cœur » ; « charme » ; « adorable » ; « bonheur ». En aucun cas, l’amant ne veut donner l’impression qu’il n’a pas aimé Emma comme elle l’a aimé. Il ne veut pas passer pour responsable de leur séparation.

II.2

      L’écriture de la lettre souligne la lâcheté de Rodolphe. Avec les questions rhétoriques de la première phrase : « Pourquoi faut-il que je vous aie connue ? Pourquoi étiez-vous si belle ? Est-ce ma faute ? » il se fait passer pour la victime. Victime de la beauté d’Emma, victime du destin. L’apostrophe lyrique « Ô mon Dieu ! non, non, n’en accusez que la fatalité ! » suivie de deux adverbes négatifs cherche à exprimer son apitoiement. Il regrette amèrement la situation, mais n’est pas responsable car de plus grandes forces l’ont guidé : « le monde est cruel Emma. » D’ailleurs, Rodolphe ne dit pas à Emma qu’il rompt car il ne l’aime plus, il affirme la quitter pour la protéger : « Il vous aurait fallu subir les questions indiscrètes, la calomnie, le dédain, l’outrage peut-être. » Par cette gradation ascendante, Rodolphe cherche à montrer à Emma ce dont il la protège. Ainsi, il se fait passer pour un homme vertueux. Et comme il souhaite à tout prix conserver son image, il est prêt à tout, même à employer des clichés, tous plus désuets les uns que les autres. Il utilise la métaphore du « trône » qui rapproche Emma d’une reine, il compare son souvenir à un « talisman » et enfin, la conjure de « conserve(r) le souvenir du malheureux qui (l’)a perdue » et lui demande : « apprenez mon nom à votre enfant, qu’il le redise dans ses prières ». Il emploie dans tout ce passage le registre pathétique et recourt à l’hyperbole en donnant l’impression qu’il va mourir et souhaite laisser un souvenir noble à son fils alors qu’il rompt lâchement avec sa maîtresse. Ce qu’il ne veut pas, c’est qu’elle « le (croit) plus insensible qu’un roc ». Cette comparaison évocatrice montre qu’il se soucie bien plus de lui que d’Emma. La seule fois où il semble éprouver de la pitié pour elle, c’est quand il s’exclame « pauvre petite femme » et qu’il pense à elle avec « attendrissement ». Mais là encore, les deux adjectifs sont plutôt péjoratifs. De cette lettre, Rodolphe attend seulement la tranquillité. Malgré les apparences, l’honnêteté compte bien peu pour lui, puisqu’il est prêt à mentir pour ne plus avoir à revoir Emma.

II.3

      Rodolphe cherche à rompre avec Emma le plus simplement possible, sans avoir à s’expliquer. C’est pour cela qu’il choisit d’écrire une lettre. Mais là encore, il ne veut lui laisser aucune chance de répliquer. Il met donc en place une stratégie manipulatrice particulièrement cynique.

Pour éviter « qu’elle ne vienne (le) relancer », il prétend partir : « Je me punis par l’exil » ; « je pars. Où ? Je n’en sais rien » ; « je serai loin quand vous lirez ces tristes lignes » ; l’hypallage « tristes lignes » donne l’impression que Rodolphe est si triste que cela se transfert sur le papier, ce qui n’est pas le cas. 

Il prétend également partir par peur d’être tenté de la revoir, et donc pour protéger sa vertu face à la société. Il retourne complètement la situation et le lecteur peut pleinement lire dans son cynisme : Emma lui demandait de partir avec elle, il lui annonce qu’il part tout seul car il est trop amoureux et ne veut pas la compromettre.

Il fait tout pour éviter qu’Emma ne réponde à sa lettre, il cherche à lui donner l’image d’un amour mort, éteint, en témoignent l’adverbe « froidement » et le groupe nominal « anciennes amours ». Rodolphe pousse ici le vice jusqu’à faire espérer un retour à Emma : « je reviendrai », mais sans aucune chance de voir leur amour renaître. C’est la raison pour laquelle il signe sa lettre « votre ami ». Il communique ici l’idée qu’il a tourné la page sur l’amour, mais qu’Emma compte toujours pour lui ; donc il ne passe pas pour insensible.

Enfin, la ruse la plus cynique de Rodolphe se trouve à la fin du texte. Incapable de pleurer, car il ne ressent rien, « il eût fallut quelques larmes là-dessus ; mais, moi, je ne peux pas pleurer, ce n’est pas de ma faute. », il fabrique une fausse larme en trempant son doigt dans son verre d’eau : « Rodolphe y trempa son doigt et il laissa tomber de haut une grosse goutte, qui fit une tâche pâle sur l’encre. » Cette stratégie est le paroxysme du cynisme de Rodolphe, qui ne s’intéresse qu’à lui, qu’à son image. On note par ailleurs la répétition du pronom personnel « moi » dans le texte qui accentue l’égocentrisme de jeune homme.

Conclusion du commentaire littéraire sur Madame Bovary

Rappel du développement

      Nous avons pu voir que cette scène donne à lire la véritable nature du personnage de Rodolphe. Derrière le soin qu’il met à écrire sa lettre, se cache en fait l’envie d’en finir rapidement. Rodolphe n’est qu’un être de surface, prêt à mentir et à flatter pour préserver son image.

Réponse à la problématique

Nous nous demandions par quel moyens le narrateur dévoile la véritable personnalité de Rodolphe. On peut affirmer qu’il le fait en donnant à lire tour à tour les flatteries abusives que le jeune homme écrit dans sa lettre avec les réflexions froides et le stratagème cynique qu’il met en place pour quitter définitivement Emma sans passer pour un homme sans cœur. 

Ouverture

Le comportement et le caractère de Rodolphe, ainsi que la fascination qu’il exerce sur Emma n’est pas sans évoquer le personnage de Georges Duroy. Célèbre protagoniste du roman Bel-Ami de Maupassant – le disciple de Flaubert -. Il donne lui aussi une image cynique de l’amour en utilisant les femmes et en jouant de sa beauté. Cette vision pessimiste de l’amour et plus généralement de la société est une caractéristique déterminante du mouvement réaliste.

Les documents : Texte et corrigé du commentaire littéraire du chapitre 13 partie 2 de Madame Bovary au format PDF

Vous trouverez ici la version rédigée et présentée telle qu’elle devrait l’être sur une copie d’examen. Si vous avez des questions sur cette correction, n’hésitez pas à les poser dans les commentaires.

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