Pour vous préparer à l’écrit du Bac de français, je vous propose ici un exemple de commentaire littéraire entièrement corrigé pour le chapitre 1 de la partie 2 du roman Bel-Ami de Maupassant.

Cet extrait présente la visite de Georges Duroy à ses parents à la campagne. Vous trouverez le texte et le commentaire rédigé au format PDF à la fin de cet article.

Pour une bonne lisibilité et un travail plus efficace, j’ai séparé le contenu par des titres qui ne doivent pas apparaître sur une copie rédigée. La version sans les titres se trouve dans le document PDF à la fin. 

Si ce n’est pas déjà fait, je vous invite à consulter mes différents articles sur le commentaire littéraire et en particulier la méthode générale, et la méthode précise pour commenter un texte narratif.

Vous pouvez également lire ma biographie de Guy de Maupassant.

Commentaire Roman Corrigé sur Bel-Ami Chapitre 1 Partie 2 : Le texte

(…)

Mais quand il se remit en marche, Duroy aperçut soudain, à quelques centaines de mètres, deux vieilles gens qui s’en venaient, et il sauta de la voiture, en criant :

— Les voilà. Je les reconnais.

C’étaient deux paysans, l’homme et la femme, qui marchaient d’un pas irrégulier, en se balançant et se heurtant parfois de l’épaule. L’homme était petit, trapu, rouge et un peu ventru, vigoureux malgré son âge ; la femme, grande, sèche, voûtée, triste, la vraie femme de peine des champs qui a travaillé dès l’enfance et qui n’a jamais ri, tandis que le mari blaguait en buvant avec les pratiques.

Madeleine aussi était descendue de voiture et elle regardait venir ces deux pauvres êtres avec un serrement de cœur, une tristesse qu’elle n’avait point prévue. Ils ne reconnaissaient point leur fils, ce beau monsieur, et ils n’auraient jamais deviné leur bru dans cette belle dame en robe claire.

Ils allaient, sans parler, et vite, au-devant de l’enfant attendu, sans regarder ces personnes de la ville que suivait une voiture.

Ils passaient. Georges, qui riait, cria :

— Bonjou, pé Duroy.

Ils s’arrêtèrent net, tous les deux, stupéfaits d’abord, puis abrutis de surprise. La vieille se remit la première et balbutia, sans faire un pas :

— C’est-i té, not’ fieu ?

Le jeune homme répondit :

— Mais oui, c’est moi, la mé Duroy !

Et marchant à elle il l’embrassa sur les deux joues, d’un gros baiser de fils. Puis il frotta ses tempes contre les tempes du père, qui avait ôté sa casquette, une casquette à la mode de Rouen, en soie noire, très haute, pareille à celles des marchands de bœufs.

Puis Georges annonça :

— Voilà ma femme.

Et les deux campagnards regardèrent Madeleine. Ils la regardèrent comme on regarde un phénomène, avec une crainte inquiète, jointe à une sorte d’approbation satisfaite chez le père, à une inimitié jalouse chez la mère.

L’homme, qui était d’un naturel joyeux, tout imbibé par une gaieté de cidre doux et d’alcool, s’enhardit et demanda, avec une malice au coin de l’œil :

— J’pouvons-t-il l’embrasser tout d’même ?

Le fils répondit :

— Parbleu.

Et Madeleine, mal à l’aise, tendit ses deux joues aux bécots sonores du paysan qui s’essuya ensuite les lèvres d’un revers de main.

La vieille, à son tour, baisa sa belle-fille avec une réserve hostile. Non, ce n’était point la bru de ses rêves, la grosse et fraîche fermière, rouge comme une pomme et ronde comme une jument poulinière. Elle avait l’air d’une traînée, cette dame-là, avec ses falbalas et son musc. Car tous les parfums, pour la vieille, étaient du musc.

Et on se remit en marche à la suite du fiacre qui portait la malle des nouveaux époux.

Le vieux prit son fils par le bras, et le retenant en arrière, il demanda avec intérêt :

— Eh ben, ça va-t-il, les affaires ?

— Mais oui, très bien.

— Allons, suffit, tant mieux ! Dis-mé, ta femme, est-i aisée ?

Georges répondit :

— Quarante mille francs. 

Le père poussa un léger sifflement d’admiration et ne put que murmurer : « Bougre ! » tant il fut ému par la somme. Puis il ajouta avec une conviction sérieuse :

— Nom d’un nom, c’est une belle femme.

Car il la trouvait de son goût, lui. Et il avait passé pour connaisseur, dans son temps.

Madeleine et la mère marchaient côte à côte, sans dire un mot. Les deux hommes les rejoignirent.

On arrivait au village, un petit village en bordure sur la route, formé de dix maisons de chaque côté, maisons de bourg et masures de fermes, les unes en briques, les autres en argile, celles-ci coiffées de chaume et celles-là d’ardoises. Le café du père Duroy : À la Belle-Vue, une bicoque composée d’un rez-de-chaussée et d’un grenier, se trouvait à l’entrée du pays, à gauche. Une branche de pin, accrochée sur la porte, indiquait, à la mode ancienne, que les gens altérés pouvaient entrer.

Le couvert était mis dans la salle du cabaret, sur deux tables rapprochées et cachées par deux serviettes. Une voisine, venue pour aider au service, salua d’une grande révérence en voyant apparaître une aussi belle dame, puis reconnaissant Georges, elle s’écria :

— Seigneur Jésus, c’est-i té, petiot ? 

Il répondit gaiement :

— Oui, c’est moi ! la mé Brulin !

Et il l’embrassa aussitôt comme il avait embrassé père et mère.

Puis il se tourna vers sa femme :

— Viens dans notre chambre, dit-il, tu te débarrasseras de ton chapeau.

Il la fit entrer par la porte de droite dans une pièce froide, carrelée, toute blanche, avec ses murs peints à la chaux et son lit aux rideaux de coton. Un crucifix au-dessus d’un bénitier, et deux images coloriées représentant Paul et Virginie sous un palmier bleu et Napoléon Ier sur un cheval jaune, ornaient seuls cet appartement propre et désolant.

Dès qu’ils furent seuls, il embrassa Madeleine :

— Bonjour, Made. Je suis content de revoir les vieux. Quand on est à Paris, on n’y pense pas, et puis quand on se retrouve, ça fait plaisir tout de même.

Mais le père criait en tapant du poing la cloison :

— Allons, allons, la soupe est cuite.

Et il fallut se mettre à table.

Ce fut un long déjeuner de paysans avec une suite de plats mal assortis, une andouille après un gigot, une omelette après l’andouille. Le père Duroy, mis en joie par le cidre et quelques verres de vin, lâchait le robinet de ses plaisanteries de choix, celles qu’il réservait pour les grandes fêtes, histoires grivoises et malpropres arrivées à ses amis, affirmait-il. Georges, qui les connaissait toutes, riait cependant, grisé par l’air natal, ressaisi par l’amour inné du pays, des lieux familiers dans l’enfance, par toutes les sensations, tous les souvenirs retrouvés, toutes les choses d’autrefois revues, des riens, une marque de couteau dans une porte, une chaise boiteuse rappelant un petit fait, des odeurs de sol, le grand souffle de résine et d’arbres venu de la forêt voisine, les senteurs du logis, du ruisseau, du fumier.

La mère Duroy ne parlait point, toujours triste et sévère, épiant de l’œil sa bru avec une haine éveillée dans le cœur, une haine de vieille travailleuse, de vieille rustique aux doigts usés, aux membres déformés par les dures besognes, contre cette femme de ville qui lui inspirait une répulsion de maudite, de réprouvée, d’être impur fait pour la fainéantise et le péché. Elle se levait à tout moment pour aller chercher les plats, pour verser dans les verres la boisson jaune et aigre de la carafe ou le cidre roux mousseux et sucré des bouteilles dont le bouchon sautait comme celui de la limonade gazeuse. 

Madeleine ne mangeait guère, ne parlait guère, demeurait triste avec son sourire ordinaire figé sur les lèvres, mais un sourire morne, résigné. Elle était déçue, navrée. Pourquoi ? Elle avait voulu venir. Elle n’ignorait point qu’elle allait chez des paysans, chez de petits paysans. Comment les avait-elle donc rêvés, elle, qui ne rêvait pas d’ordinaire ?

Commentaire Roman Corrigé sur Bel-Ami Chapitre 1 Partie 2

Commentaire Roman Corrigé : Bel-Ami, II,1, Maupassant

Introduction du commentaire littéraire sur Bel-Ami

Accroche

Bel-Ami est un roman de Maupassant publié en feuilleton entre le 6 avril et le 30 mai 1885 dans le Gil Blas.

Présentation de l’oeuvre

Il raconte l’histoire de Georges Duroy qui, sorti de sa misère par une ancienne connaissance, part à la conquête de Paris par le biais du journalisme et des femmes. On y retrouve le cynisme et l’ironie caractéristiques de Maupassant.

Présentation du passage étudié

Dans le premier chapitre de la seconde partie, le narrateur dépeint la visite de Georges Duroy dans sa terre natale accompagné de sa femme Madeleine. On y lit le tableau d’une campagne profonde, bien loin de la vie parisienne observable dans le reste du roman.

Annonce de la problématique

C’est justement ce choc culturel qui sera le centre de notre étude. Il s’agira de se demander comment l’opposition entre Paris et la campagne dépeinte dans ce passage met en lumière l’évolution de Duroy.

Annonce du plan

Afin d’éclaircir cette interrogation, nous aborderons en premier lieu l’opposition entre deux mondes singulièrement différents. Nous évoquerons ensuite la moquerie et le cynisme de l’extrait ainsi que le rapport de valeurs qu’il établissent.

Commentaire Roman Corrigé sur Bel-Ami : le développement

L’extrait présente une opposition frappante entre la campagne natale de Duroy et la ville de Paris où il est établi. Ce sont deux mondes existant en complète opposition, dépourvus de contacts l’un avec l’autre. De ce fait, l’arrivée de Georges et Madeleine provoque une rencontre entre deux sociétés contraires. Ce qui frappe d’emblée le lecteur, c’est que les parents de Georges ne le reconnaissent pas. Le possessif “leur fils” n’est explicite que grâce à la connaissance généalogique du narrateur, car lorsque la focalisation s’attarde sur le point de vue des paysans, Georges n’est plus que “ce beau monsieur”. Le démonstratif “ce” s’oppose au possessif “leur” pour nier la paternité d’un être si différent d’eux. Le phénomène se produit de même avec Madeleine qu’il ne perçoivent pas d’abord comme “leur bru”. Il est clair que les conjoints appartiennent à une société différente de celle des parents de Duroy pour qui il ne s’agit que de “ces personnes de la ville que suivait une voiture”. Le démonstratif “ces” crée une ultime distance en regroupant Georges et Madeleine dans la caste étrangère des “personnes de la ville”. La reconnaissance de leur fils entraîne un choc chez les parents, d’abord, une paralysies rendue par les adjectifs “stupéfaits” et “abrutis” puis les “balbuti(ements)” de la mère. Le choc social est mis en lumière également par la “grande révérence” que rend une femme à Madeleine, surprenante rencontre dans un village reculé. Georges provoque un choc chez cette femme qui le reconnaît : “Seigneur Jésus”, il est clair que le mélange de ces deux mondes n’est pas quelque chose d’ordinaire. De plus, le lecteur est frappé par l’étonnement provoqué par la reconnaissance de Georges, indicateur de la métamorphose qu’il a subit.

Nous venons de constater à quel point les origines de Georges sont éloignées de sa nouvelle vie parisienne. Nous allons voir ici que la distance qui s’est creusés dans cette famille peut être source de conflit.

L’arrivée des époux provoque une tension particulièrement palpable entre la mère de Georges et sa bru, révélatrice d’une discorde plus grande que la simple mésentente d’une femme avec sa belle-mère. Il est dit clairement que la mère ressent une “inimitié jalouse” pour sa bru. Cette inimitié se traduit dans l’action de baiser sa belle-fille par l’oxymore : “avec une réserve hostile”. Cet oxymores témoigne d’un respect apparent derrière lequel se cache de la haine ; haine des campagnes et de leurs gens envers la capitale et ses habitants. La belle-mère s’avère en fait être très hostile envers sa belle-fille, la considérant comme une “trainée”, expression typique pour dévaloriser la beauté jalousée. Elle adjoint à son insulte la formule dédaigneuse “cette fille-là” avec encore la présence du déterminant démonstratif soutenu par l’adverbe “là” qui rejette Madeleine en dehors de la famille, atteignant le sommet de la médisance en donnant l’impression que la mère critique sa belle-fille en la pointant du doigt ; bien qu’il ne s’agisse que d’une transcription écrite du ressenti de la mère et aucunement de paroles rapportées. Visiblement, l’inimitié de la belle-mère est partagée par Madeleine. Bien qu’elle ne fasse pas preuve de la même virulence, son silence est porteur de sens, d’autant plus qu’il est rattaché à celui de la belle-mère : “Madeleine et la mère marchaient côte à côte, sans dire un mot.” Le lecteur peut donc imaginer que les pensées de Madeleine sont aussi médisantes que celle de la mère mais que la focalisation ne permet pas d’y accéder. Le narrateur joue cependant de l’opposition entre les deux femmes. L’accent est mis sur la vieillesse de la mère par le lexique des dégâts du temps : “vieille” (x2) ; “usés” ; “déformés”. Alors que l’on sait que Madeleine est encore jeune et belle. Les “membres déformés” de la mère ainsi que l’adjectif substantivé “maudite” peuvent l’assimiler à une sorcière voulant du mal à sa bru. Il y a d’ailleurs un léger lexique de l’agressivité avec les mots “haine” (x2) et “sévère”. Dans l’idée de l’opposition des deux femmes, on peut lire une métaphore indirecte des femmes à travers les boissons que sert la mère. La belle-mère est la “boisson jaune et aigre de la carafe”, stagnante, vieillissante et aigrie. Madeleine est “le cidre roux mousseux et sucré des bouteilles dont le bouchon sautait comme celui de la limonade gazeuse.” La mousse peut représenter les apprêts des femmes de Paris. Le sucré s’oppose au goût aigre et le bouchon qui saute image la vivacité de la jeunesse par opposition au calme de la vieille carafe. Les deux femmes sont, à l’image des campagnes et de Paris, complètement opposées, et uniquement rapprochées par leur mésentente.

On peut se demander si, en plus de montrer l’opposition entre Madeleine et sa belle-mère, Paris et la campagne, l’origine de Georges Duroy et le résultat de ses choix, le texte ne dresse pas une forme d’avertissement.

Il est possible de dégager de l’opposition entre la campagne et Paris une sorte d’avertissement sur la perversion de la vie par la capitale. Le père de Duroy est décrit comme une homme simple et heureux, d’un “naturel joyeux”. Il est “imbibé par une gaité de cidre doux et d’alcool” ; la métaphore de l’éponge insiste à la fois sur son alcoolisme et sur sa joie de vivre. Le zeugme sémantique installe l’abstrait de la “gaité” à la place du concret attendu après “imbibé” et met donc cette gaité en valeur. Ce bonheur simple est prolongé pendant le repas qui est une scène heureuse pour Georges. Les plaisanteries sont nombreuses, en témoigne la métaphore du “robinet des plaisanteries” qui évoque un flot continu. Georges semble retrouver le bonheur d’une vie simple, loin des perversions de Paris. Il est “ressaisi” comme s’il retrouvait le droit chemin. De plus, l’accumulation de choses banales “une marque de couteau dans une porte, une chaise boiteuse rappelant un petit fait, des odeurs de sol, le grand souffle de résine et d’arbres venu de la forêt voisine, les senteurs du logis, du ruisseau, du fumier” semble signifier que le bonheur se trouve dans le prosaïsme simple du quotidien et non dans le faste et l’hypocrisie de la vie mondaine. Cette nostalgie du bonheur passé ressemble à un avertissement utilisant la fausse route de Georges comme exemple. Il est d’ailleurs notable que Madeleine, représentant Paris, est triste, comme le montre le lexique de la déception : “triste” ; “morne, résignée” ; “déçue, navrée”. Cette tristesse assimilée à la vie parisienne s’oppose à la gaité provinciale que Duroy retrouve le temps d’un repas.

Nous avons remarqué que le texte de ce passage se construit sans cesse en opposition, ce qui révèle la différence totale entre les deux sociétés où Georges Duroy a fait son chemin. Seulement, il ne s’agit pas simplement de mettre en lumière les différence entre deux modes de vie car nous pouvons voir s’installer un jugement de valeur au fil du passage.

Maupassant est un auteur à l’ironie affutée. De ce fait, on peut sentir la moquerie inhérente au passage. Dès le début du texte, les parents de Duroy sont identifiés grâce au déterminant numéral “deux” qui montre le peu de valeur accordée aux personnes de la campagne par le personnage. La première image des deux parents est d’ailleurs très évocatrice de la paysannerie, presque parodique. Ils apparaissent comme deux automates mal réglés : “en se balançant et se heurtant parfois de l’épaule”. Leurs portraits sont faits à l’aide de deux énumérations qui opposent le mari et sa femme. L’homme est “petit, trapu, rouge et un peu ventru, vigoureux” alors que la femme est “grande, sèche, voutée, triste”. Ces deux énumérations permettent de faire ressortir les principaux traits parodiques des paysans. L’opposition des deux parents est comique car on se demande s’ils ont des points communs. Enfin, il est dit que la femme “n’a jamais ri” alors que “le mari blagu(e)”. Cela peut laisser penser qu’ils n’ont pas d’affinités puisque le mari n’arrive pas à faire rire sa femme. Ainsi, dès le début de l’extrait, les paysans sont montrés cyniquement comme de “pauvres êtres”. Les premières paroles que Duroy adresse à ses parents sont prononcées en riant : “Georges, qui riait, cria”. Il utilise également leur patois : “Bonjou, pé Duroy”, ce qui tranche avec son parlé habituel et amuse le lecteur. La descriptions des lieux laisse elle aussi entrevoir un jugement mondain. La chambre des conjoints ne possède aucune décoration mis à part les symboles religieux comme “le crucifix” le “bénitier” ainsi qu’une image de “Napoléon Ier” qui tranche avec la religion mais place l’accent sur le retard de la campagne étant donné la distance entre Napoléon Ier et l’époque de l’intrigue. Les paysans sont donc moqués cyniquement pour leur retard dans tous les domaines. Cela donne naissance au paradoxe de l’appartement “propre et désolant”.

Si l’on remarque une moquerie dans la description de la campagne, ont peut voir aussi que les paysans subissent le même sort.

Madeleine, dès le début de l’extrait, éprouve de la pitié pour les parents de Georges : “un. serrement de coeur, une tristesse qu’elle n’avait point prévue”. En cela, même si elle ne pense pas à mal, elle se sent supérieure. Les noms attribués aux parents de Georges sont rarement positifs : sa mère est par exemple appelée “la vieille” à deux reprises. Les paysans sont également stigmatisés par leur patois : “c’est-ti té, not’ fieu ?” Les normes des paysans sont si éloignées de celles auxquelles est habituée Madeleine que la scène des “bécots sonores du paysans” est comique si l’on imagine le malaise de la jeune femme. Les attentes de la mère en matière de belle-fille prêtent également à sourire tant elles diffèrent de Madeleine : “Non, ce n’était pas la bru de ses rêves, la grosse et fraîche fermière, rouge comme une pomme et ronde comme une jument poulinière.” La description fait penser à une vache et les comparaisons à une pomme et une jument sont si éloignées des standards de beauté parisiens qu’elles font sourire par leur décalage ; surtout quand on pense que Georges, s’il était resté conforme à ses racines, aurait pu désirer la même chose. La distance prise avec ses origines est flagrante si l’on compare les deux femmes que sont sa mère et sa femme. La dernière étant mondaine et conformes aux standards parisiens, la première ne sachant distinguer le parfum et le musc, comme le fait remarquer le narrateur : “tous les parfums pour la vieille étaient du musc.” Cette intervention du narrateur est un autre moyen de juger et de rire de l’ignorance des paysans pour ce qui est de la vie que vit maintenant Georges. Ce dernier fait se “débarrass(er) de (s)on chapeau” Madeleine car ce code d’élégance n’est pas en vigueur dans sa province. L’absence de connaissance des codes du repas est aussi présentée de manière comique : “un long déjeuner de paysans”, des “plats mal assortis”. Le parallélisme, presque chiasme : “une andouille après un gigot, une omelette après l’andouille” fait sentir au lecteur tout le jugement porté par les deux hôtes. Enfin, l’extrait s’achève avec une focalisation interne sur Madeleine qui se demande comment elle avait “rêv(é)” les parents de Georges. Cela donne l’impression que leurs moeurs sont si éloignées des siennes qu’elle ne peut se les figurer qu’en rêve. On remarque aussi l’épanorthose “des paysans, (…) des petits paysans” qui rappelle l’opinion négative des citadins sur les campagnards. Car même en se disant qu’elle se rendait chez de petits paysans, elle n’avait pas pu imaginer un tel spectacle.

Cependant, si ce spectacle est choquant pour Madeleine, il ne l’est pas pour son mari qui connaît bien ce monde.

Georges Duroy prend plaisir à retrouver ses origines mais admet que son esprit est maintenant occupé par Paris : “Je suis content de revoir les vieux. Quand on est à Paris, on n’y pense pas, et puis quand on se retrouve, ça fait plaisir tout de même.” Cette phrase évoque presque un aveu coupable mais rappelle surtout l’idée que Paris est une ville qui accapare l’esprit et le temps, ne permettant pas de se consacrer à son passé. Cette idée est également présente chez Balzac dans Illusion Perdues dans une lettre envoyée par le jeune Lucien à sa soeur. Georges semble très éloigné de ses origines, vivant dans une société complètement différente de celle présentée dans ce passage. Seulement, il y a tout de même des similitudes entre ces deux sociétés et entre Georges et son père qui laissent à penser que le changement de Georges n’est pas tant un changement de nature qu’un changement de degré. Le père est par exemple intéressé par “les affaires” de son fils, ce qui montre qu’il n’est pas si simple qu’il n’y paraît et que Georges ne vient pas d’un milieu désintéressé par l’argent. Cela est d’autant plus frappant lorsqu’il lui pose la question suivante : “ta femme, est i aisée ?” et Georges de répondre uniquement : “quarante mille francs.” Les deux hommes partagent donc la même vision intéressée de la femme. Cela montre bien que l’arrivisme de Georges est un héritage paternel.

Conclusion corrigée du commentaire littéraire sur le roman Bel-Ami

Rappel du développement

Nous avons pu voir que la société mondaine parisienne dans laquelle évolue Georges et sa compagne est diamétralement opposée à la campagne d’où vient le protagoniste. Cela est l’origine d’une tension entre les représentants féminins des deux lieux. On peut enfin lire dans ce passage un message d’avertissement contre les dangers de la perversion de l’homme par Paris. Toutefois, il apparaît que Paris n’est pas le seul lieu de perversion et que même la campagne et ses habitants jugés négativement dans le passage présentent leur lot de cynisme.

Réponse à la problématique

Cet extrait permet donc de mieux cerner le personnage de Georges Duroy par ses origines, de constater la différence entre lui et les paysans de son passé, donc le changement qu’il a subi. Cependant, on sent qu’il partage avec son père un intérêt pour le succès et l’argent et donc que ses origines ont à voir avec ce qu’il est devenu.

Ouverture

Il serait intéressant de mettre ce passage en relation avec la pudeur qu’éprouve Lucien Chardon vis à vis de sa famille dans Illusions Perdues pour s’interroger sur la valeur de la famille dans les romans d’ascension parisienne : un soutien ou un handicap ?

Les documents : Texte et corrigé du commentaire littéraire du roman Bel-Ami au format PDF

Vous trouverez ici la version rédigée et présentée telle qu’elle devrait l’être sur une copie d’examen. Si vous avez des questions sur cette correction, n’hésitez pas à les poser dans les commentaires.

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