Vous préparez l’oral du bac de français ? Si vous avez travaillé sur un extrait de Madame Bovary dans le cadre d’un parcours de lecture, cette analyse linéaire du texte “j’ai un amant” (II,9) est pour vous !

L’analyse présentée ici propose un cadre que vous pouvez suivre et reproduire lors de l’épreuve anticipée de français. Vous pouvez bien entendu modifier la problématique, ou certaines analyses à votre convenance.

Avant de commencer à lire cette analyse, n’hésitez pas à vous reporter à mon article “comment analyser un texte en français” et à ma “méthode de l’explication linéaire” pour mieux comprendre ma démarche.

Introduction de l’analyse linéaire du texte “j’ai un amant” (II,9) de Madame Bovary

Présentation de l’auteur et de l’oeuvre

Madame Bovary, J'ai un amant (II,9) : Analyse Linéaire (BAC 2023)

Gustave Flaubert est considéré comme le maître du réalisme. Né en 1821 et mort en 1880, celui qui vouait une si grande importance au style donne naissance en 1856, après 5 ans d’écriture, à son chef-d’oeuvre : Madame Bovary.

La publication en feuilleton fait scandale, et le roman fait l’objet d’un procès pour immoralité. Finalement acquitté, Flaubert bénéficie par ce procès d’un “coup de pub” qui participe sans doute au grand succès de son livre.

Ce livre, c’est l’histoire d’Emma, jeune femme malheureuse dans son mariage avec Charles. Elle rêve à une vie plus romanesque et au grand amour. Éternelle insatisfaite, elle finit par se suicider après deux liaisons adultères, croulant sous les dettes et vivant dans le mensonge.

Situation du passage

Dans la deuxième partie du livre, Emma commence à Fréquenter Rodolphe. Ce passage raconte son retour dans sa chambre après avoir trompé pour la première fois son mari avec Rodolphe, lors d’une promenade en forêt.

Problématique

Cette scène décrit des sentiments nouveaux pour Emma. Nous verrons comment le narrateur ridiculise le personnage au regard de sa naïveté vis à vis du sentiment amoureux.

Annonce du plan

Pour mener cette analyse linéaire du texte “j’ai un amant” (II,9) de Madame Bovary, nous suivrons les mouvements du texte. D’abord le bouleversement amoureux du début du passage à “transfigurait.” Ensuite, l’ivresse du bonheur  de “Elle se répétait” à “hauteurs.” Enfin, une héroïne de roman satisfaite d’elle-même de “Alors elle se rappela” à la fin de du passage.

Texte “j’ai un amant” (II,9) de Madame Bovary de Flaubert pour l’analyse linéaire

D’abord, ce fut comme un étourdissement ; elle voyait les arbres, les chemins, les fossés, Rodolphe, et elle sentait encore l’étreinte de ses bras, tandis que le feuillage frémissait et que les joncs sifflaient.
Mais, en s’apercevant dans la glace, elle s’étonna de son visage. Jamais elle n’avait eu les yeux si grands, si noirs, ni d’une telle profondeur. Quelque chose de subtil épandu sur sa personne la transfigurait.

Elle se répétait : « J’ai un amant ! un amant ! » se délectant à cette idée comme à celle d’une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc posséder enfin ces joies de l’amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque chose de merveilleux où tout serait passion, extase, délire ; une immensité bleuâtre l’entourait, les sommets du sentiment étincelaient sous sa pensée, et l’existence ordinaire n’apparaissait qu’au loin, tout en bas, dans l’ombre, entre les intervalles de ces hauteurs.

Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu’elle avait lus, et la légion lyrique de ces femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix de sœurs qui la charmaient. Elle devenait elle-même comme une partie véritable de ces imaginations et réalisait la longue rêverie de sa jeunesse, en se considérant dans ce type d’amoureuse qu’elle avait tant envié. D’ailleurs, Emma éprouvait une satisfaction de vengeance. N’avait-elle pas assez souffert ! Mais elle triomphait maintenant, et l’amour, si longtemps contenu, jaillissait tout entier avec des bouillonnements joyeux. Elle le savourait sans remords, sans inquiétude, sans trouble.

“J’ai un amant”, Madame Bovary (II,9) : Analyse linéaire

Le bouleversement amoureux

Le passage commence par un adverbe de temps avec une phrase sans pronom personnel : « D’abord ce fut comme un étourdissement ». Emma ne sait pas d’où vient la sensation, d’où l’utilisation de la tournure impersonnelle.

L’adverbe de temps montre qu’elle décrit la sensation comme elle lui vient, par étape.

On note également la comparaison. Elle n’a pas les mots donc cherche à décrire par rapprochement d’idées. Le mot étourdissement illustre une sensation physique, bien loin des lectures d’Emma.

On peut donc lire ici les premières traces d’ironie narrative : le narrateur se moque du personnage qui ne connait rien à la vie, et n’a vécu que par l’intermédiaire de ses lectures. Emma découvre les sensations de l’amour pour la première fois.

L’énumération « Elle voyait les arbres, les chemins, les fossés, Rodolphe » montre qu’Emma est assaillie par les sensations et se perd dans le tourbillon des sentiments.

Le champ de vision passe du plus large : « les arbres », au plus petit : « Rodolphe ». On peut aussi penser que les termes sont organisés par ordre d’importance pour elle (gradation) : dans cette forêt, elle ne voit que Rodolphe.

La mention du fossé suggère une certaine trivialité : il renvoie le lecteur à la relation intime adultère des amants, dans un fossé. On est ici bien loin de l’idéalisation de la scène par Emma, ce qui peut révéler, une fois encore, l’ironie du narrateur. 

La proposition subordonnée conjonctive circonstancielle de temps « elle sentait encore l’étreinte de ses bras, tandis que le feuillage frémissait et que les joncs sifflaient » associe le souvenir de l’étreinte d’Emma à la nature.

D’une part il y a un cliché romantique qui se moque de l’idéal amoureux d’Emma, mais il y aussi une lecture plus triviale : «… le feuillage frémissait et que les joncs sifflaient » peut faire directement référence au souvenir sexuel.

Par ailleurs l’allitération en « F » donne à entendre le frémissement d’Emma.

En s’observant ensuite dans la glace, elle se découvre changée : le narrateur utilise une hyperbole et une énumération pour ce changement de perception : « jamais elle n’avait eu les yeux si grands, si noirs, ni d’une telle profondeur ».

L’adoption du point de vue interne permet d’évoquer ce changement physique par les yeux du personnage, donc rien ne garantit au lecteur qu’Emma n’aie vraiment changée, si ce n’est dans la façon dont elle se voit.

Les mot « profondeur » et « subtil » montrent que, grâce à son adultère, elle se sent vivre et échapper à l’ennui et à la banalité de sa vie avec son mari.

Le mot « transfigurer » pour décrire son changement d’allure est un mot d’origine religieuse (Jésus change de forme pour révéler sa nature divine) … Le choix de ce mot est intéressant, et on décèle une forme de provocation, d’ironie ou d’exagération, à utiliser un mot désignant quelque chose de sacré pour évoquer les conséquences de l’adultère, contraire à la morale chrétienne.

L’ivresse du bonheur 

La répétition de « j’ai un amant ! un amant ! » montre le plaisir qu’elle ressent à l’idée d’enfin vivre l’adultère. Elle a le sentiment d’avoir accompli quelque chose d’extraordinaire et a besoin de se répéter le mot « amant » pour pleinement verbaliser et savourer sa victoire. 

Ainsi, elle « se délecte » de l’idée d’adultère, d’enfin connaître une grande passion. Le plaisir se trouve, encore une fois, dans sa perception d’elle-même. On note également que le verbe –se délecter  appartient au champ lexical du plaisir. On trouvera plus tard le mot « savourer » 

La comparaison avec « une autre puberté́ » suggère la naïveté d’Emma, presque adolescente, ́ et la ridiculise aux yeux du lecteur. 

Dans la phrase suivante, elle oppose ce nouveau bonheur « ces joies de l’amour, cette fièvre du bonheur » à l’ennui, désespoir de son passé : « dont elle avait désespéré » (proposition relative).

L’utilisation des pronoms démonstratifs : « ces joies » et « cette fièvre » donne le sentiment qu’elle tente de montrer le bonheur auquel elle va accéder sans vraiment savoir de quoi il s’agit : on utiliserait plutôt l’article défini (le, la, les) pour parler de quelque chose de connu et d’identifié. 

Le nouveau futur auquel elle aspire est ridiculisé par l’ironie du narrateur. Emma le conçoit comme « quelque chose de merveilleux ».

La périphrase vague montre son enthousiasme démesuré alors qu’elle n’est pas capable de dire précisément ce dans quoi elle « entrait ». Donc elle se forge de nouveau des illusions « merveilleuses » à partir de rien, si ce n’est d’un vague sentiment et de son imagination. 

Elle imagine un futur où « tout serait passion, extase, délire. » Cette gradation au rythme ternaire, suggère une perte de contrôle et de contact avec la réalité́. Par ailleurs, « délire » peut être rapproché de la folie. 

Elle rêve ensuite un paysage métaphorique. L’idée de la correspondance entre un état d’âme et un paysage est très romantique (donc à priori pas réaliste).

L’utilisation de clichés romantiques associée à des hyperboles (« une immensité́ bleuâtre », « les sommets du sentiment ») et à des antithèses (« sommet »/« tout en bas»; «étincelait» /«ombre») la ridiculise dans sa naïveté : elle se pose en héroïne romantique, convaincue de sa grandeur, qui contemple son ancien monde depuis les hauteurs métaphoriques de sa passion qu’elle associe à l’accomplissement de soi.

Une héroïne de roman satisfaite d’elle-même 

La haute image qu’Emma se fait des héroïnes de romans est ridiculisée par les métaphores et hyperboles qu’elle utilise pour les décrire. Ces héroïnes forment une « légion lyrique de femmes adultères » qui se met à chanter « avec des voix de sœurs ».

Le terme de légion appartient au vocabulaire militaire tandis que le terme lyrique renvoie à l’art poétique et musical. Ce rapprochement manque de logique et produit un effet comique. 

Cette ivresse se mue en une forme de violence émancipatrice, de révolte rétrospective que le narrateur exprime par le discours indirect libre « N’avait-elle pas assez souffert ! » L’ironie est palpable : le narrateur prétend soutenir Emma dans sa colère alors qu’il se moque.

Enfin, le verbe à l’imparfait « elle triomphait » accompagné de l’adverbe de temps « maintenant » montre que sa victoire promet de se prolonger (valeur non bornée de l’imparfait) par rapport à sa souffrance qui est terminée (valeur d’accompli du plus-que-parfait).

L’adverbe de temps marque un renouveau, et oppose le présent et le futur heureux d’Emma à son passé malheureux.

Pour décrire ce délire amoureux, le narrateur emploie une métaphore et une hypallage (joyeux devrait désigner Emma et pas le bouillonnement) « bouillonnement joyeux ». C’est une image comique et moqueuse, volontairement prosaïque et ridicule.

Dans la dernière phrase, la gradation descendante : « sans remord, sans inquiétude, sans trouble » montre qu’elle élimine tous les éléments qui pourraient la freiner, jusqu’au plus ténu, afin d’être en paix avec sa conscience. Elle ne ressent pas le moindre « trouble »

Conclusion de l’analyse linéaire du texte “j’ai un amant” (II,9) de Madame Bovary

Rappel du développement 

Dans ce passage, Emma découvre le sentiment amoureux. Le narrateur emploie la focalisation interne pour décrédibiliser le personnage en moquant sa naïveté. Aussi, la jeune femme idéalise-t-elle sa relation adultère en confondant sa vie avec celle des personnages de ses livres.

Réponse à la problématique

On constate donc ici que le narrateur se montre assez cynique et cruel. Il paraît d’abord soutenir le personnage alors qu’il souligne régulièrement le ridicule de son innocence et son ignorance du monde des sentiments.

C’est également une manière de rappeler qu’elle ne connaît pas l’amour avec Charles et qu’elle poursuit un idéal impossible (puisque romanesque).

Ouverture

Face à cette quête de l’idéal amoureux, impossible de ne pas penser à Louise de Chaulieu, l’une des deux protagonistes du roman de Balzac : Mémoires de deux jeunes mariées. Elle aussi idéalise l’amour et finit par mourir après avoir poursuivi un rêve impossible.

Ces deux romans permettent de réfléchir à la condition des femmes au XIXe siècle dans le cadre du mariage, et, de manière plus générale, aux questions du bonheur et de l’amour.

Prolongements sur l’analyse linéaire de du texte “j’ai un amant”, Madame Bovary (II,9) :

Vous trouverez ici une liste des 25 figures de style à connaître pour le Bac. Pour ficher efficacement votre explication : https://la-classe-du-litteraire.com/comment-ficher-une-explication-lineaire/ et enfin, les erreurs à éviter à l’oral du Bac : https://la-classe-du-litteraire.com/bien-reussir-son-explication-lineaire/

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