Vous préparez l’oral du bac de français ? Vous avez travaillé sur Jean-Luc Lagarce et vous voulez compléter vos cours ? Alors cette analyse linéaire du prologue de Juste la fin du monde est pour vous !

C’est une entrée en matière étonnante rappelant les prologues des tragédies grecques.

L’analyse présentée ici propose un cadre que vous pouvez suivre et reproduire lors de l’épreuve anticipée de français. Vous pouvez bien entendu modifier la problématique, ou certaines analyses à votre convenance.

Avant de commencer à lire cette analyse, n’hésitez pas à vous reporter à mon article “comment analyser un texte en français”, à ma “méthode de l’explication linéaire” ainsi qu’à mon article sur le commentaire du théâtre pour mieux comprendre ma démarche.

Introduction de l’analyse linéaire du prologue de Juste la fin du monde

Présentation de l’auteur

Prologue Juste la fin du monde Analyse Linéaire

Jean-Luc Lagarce est un grand nom du théâtre français. Dramaturge, acteur, metteur en scène, il touche à tout pendant sa vie et laisse derrière lui une trace durable puisqu’il demeure aujourd’hui l’un des 5 auteurs contemporains les plus joués.

Né en 1957 dans une famille d’ouvriers, il se passionne rapidement pour le théâtre et commence en 1975 des études au conservatoire d’Arts Dramatiques qu’il mène en parallèle à un cursus de philosophie.

Le monde du théâtre le passionne tant qu’il crée, en 1977, le théâtre de la roulotte avec plusieurs de ses camarades.

Après sa maîtrise de philosophie, il se consacre pleinement au théâtre, d’abord en mettant en scène les pièces du répertoire classique puis en essayant les siennes. Si ses mises en scènes plaisent beaucoup, on ne peut pas en dire autant de ses créations originales.

Hélas, en 1988, on lui diagnostique le SIDA.

Incurable à l’époque, la maladie lui fait prendre conscience qu’il est condamné à courte échéance. Il intègre donc dans son théâtre le thème de la disparition, thème qui est d’ailleurs au centre de la pièce Juste la fin du monde.

Jean-Luc Lagarce meurt en 1995, connu seulement comme un bon metteur en scène du répertoire classique. Ses oeuvres personnelles seront redécouvertes quelques années après sa mort.

Présentation de l’oeuvre

Juste la fin du monde est la pièce la plus connue de Jean-Luc Lagarce. Publiée en 1990, elle a été adaptée au cinéma en 2016 par le réalisateur Xavier Dolan.

Dans cette pièce, le dramaturge met en scène le retour du personnage de Louis dans sa famille pour tenter de leur annoncer l’imminence de sa mort.

Largement inspirée de sa condition personnelle (la pièce est écrite quand Lagarce est lui-même malade du SIDA), l’intrigue s’appuie sur l’impossibilité de la communication entre les personnages ; finalement Louis repart sans avoir annoncé sa mort à sa famille.

Présentation du poème

Le prologue qui ouvre la pièce s’inspire des prologues des tragédies grecques qui annonçaient de manière prophétique le sort qui attendait les personnages. Ici Louis annonce lui-même sa propre mort et sa décision de rendre visite à sa famille.

Le texte est constitué d’une seule phrase mimant la difficulté qu’a le personnage à trouver le mot juste pour exprimer ses sentiments.

Problématique 

Ainsi, nous pourrons nous demander comment ce prologue original synthétise les principaux thèmes de la pièce.

Plan 

Pour mener cette analyse linéaire du prologue de Juste la fin du monde, nous suivrons les mouvements du texte. D’abord L’annonce de la mort prochaine du début à “vous détruirait aussitôt” puis la la volonté du retour de “l’année d’après” à la fin du prologue.

Texte du prologue de juste la fin du monde pour l’analyse linéaire

LOUIS.

– Plus tard‚ l’année d’après 
– j’allais mourir à mon tour – 
j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai‚ 
l’année d’après‚ 
de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire‚ à tricher‚ à ne plus savoir‚ 
de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini‚ 
l’année d’après‚ 
comme on ose bouger parfois‚ 
à peine‚ 
devant un danger extrême‚ imperceptiblement‚ sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt‚ 
l’année d’après‚ 
malgré tout‚ 
la peur‚ 
prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre‚ 
malgré tout‚ 
l’année d’après‚ 
je décidai de retourner les voir‚ revenir sur mes pas‚ aller sur mes traces et faire le voyage‚ pour annoncer‚ lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision 
– ce que je crois – 
lentement‚ calmement‚ d’une manière posée 
– et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas toujours été un homme posé ?‚ 
pour annoncer‚ 
dire‚ 
seulement dire‚ 
ma mort prochaine et irrémédiable‚ 
l’annoncer moi-même‚ en être l’unique messager‚ 
et paraître 
– peut-être ce que j’ai toujours voulu‚ voulu et décidé‚ en toutes circonstances et depuis le plus loin que j’ose me souvenir – 
et paraître pouvoir là encore décider‚ 
me donner et donner aux autres‚ et à eux‚ tout précisément‚ toi‚ vous‚ elle‚ ceux-là encore que je ne connais pas (trop tard et tant pis)‚ 
me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de moi-même et d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître.

Prologue de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce : Analyse linéaire

Prologue, Juste la fin du monde, Analyse Linéaire : I. L’annonce de la mort prochaine

La pression de la mort

Les premiers mots du texte sont une prolepse, une remise à “plus tard”. Étonnant début pour le personnage qui semble bien conscient de sa fin, mais cherche peut-être à la repousser.

On comprend, à la deuxième ligne, grâce à une précision entre tirets que ce qui poursuit le personnage de Louis, c’est sa mort : “j’allais mourir à mon tour”.

On note la présence d’un lexique du futur avec les mots “plus tard” ; “l’année d’après” et le verbe conjugué au conditionnel présent (valeur de futur dans le passé) “j’allais mourir”.

Cette saturation du futur confère aux premiers mots une charge tragique : le personnage est bien conscient qu’il n’échappera pas à son destin.

Les deux lignes suivantes surprennent car Louis repasse au présent “j’ai” ; “maintenant” (complément circonstanciel de temps) pour être immédiatement rattrapé par l’idée de sa mort, toujours au futur : “c’est à cet âge que je mourrai.”

On voit donc que le personnage est hanté par l’idée de sa mort, à priori inéluctable. La pression du destin se traduit par l’anaphore “l’année d’après” qui rappelle sans cesse la date fatidique.

Notons également que Louis affirme avoir “près de 34 ans”. Il a donc encore l’âge du Christ (mort à 33 ans) mais risque de mourir à 34 ans, et n’aura pas le droit à la résurrection. Louis semble donc s’apparenter à une figure de presque martyr.

Il faut bien sûr ajouter que le prologue fait référence au choeur dans les tragédies grecques qui chantait l’annonce du sort des personnages en début de pièce. Ici, Louis se charge d’annoncer son propre sort, ce qui lui confère une étrange posture par rapport à lui-même.

La paralysie du personnage

Louis affirme avoir été paralysé par l’idée de sa propre mort. On trouve le champ lexical de l’inaction : “j’attendais” (X2) ; “ne rien faire” ; “bouger parfois, à peine” ; “imperceptiblement”. Louis semble ici être déjà mort. Contrairement aux personnages dans la tragédie, il ne se débat pas contre son destin.

Pourtant cette immobilité ne s’apparente pas à une acceptation, mais plutôt à de la crainte. Crainte du temps, de la maladie : “commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt”.

On comprend ici que c’est la peur qui emprisonne le personnage. La peur face à un temps personnifié comme un ennemi métaphorique, toujours prêt à frapper.

Louis n’a donc pas complètement renoncé à la vie. Il compare encore sa mort à un “danger extrême”, ce qui signifie qu’il cherche peut-être à lui échapper, ou tout du moins à gagner du temps. Mais rien dans cette première partie n’explique ce qu’il souhaite faire avec le temps volé à la mort.

Prologue, Juste la fin du monde , Analyse Linéaire : II. La volonté du retour

Une dernière chose à faire

Pour que les sentiments de Louis s’expriment plus clairement, il faut attendre le second mouvement du texte. Apparaît ici une nouvelle répétition : “malgré tout”, qui apporte une nuance d’espoir.

Cet espoir est immédiatement contrecarré par la négation “sans espoir jamais de survivre.” Donc ce n’est pas à la guérison qu’aspire le personnage de Louis. Pourtant, il évoque bien un “risque”, c’est à dire un enjeu, une sorte de quête.

Cette idée quête est confirmée par l’emploi du passé simple (temps narratif par excellence) “je décidai”. On trouve également “la peur” qui semble indiquer que malgré sa mort inévitable, le personnage a encore quelque chose à jouer.

L’annonce du retour par les deux mots commençant par le préfixe “re” (“retourner” ; “revenir”) amène l’idée d’un demi-tour, d’un défi au temps. La quête sera une quête des racines, celle d’un sens qui n’existe plus dans le futur, mais se trouve dans le passé.

Le pronom “les” qui désigne la famille de Louis reste volontairement distant et froid. Cela présage une relation tendue entre le protagoniste et les siens.

Enfin, quand Louis évoque “le voyage”, on peut le lire comme un voyage physique, qu’il va effectivement effectuer, ou de manière métaphorique, comme le dernier voyage, qui aura lieu “l’année d’après”.

Une annonce difficile

L’anacoluthe constante dans le passage rend difficile de suivre la pensée de Louis.

Il affirme vouloir annoncer quelque chose (“pour annoncer”) mais peine à aller au bout de sa phrase : “ma mort prochaine et irrémédiable” n’arrive que près de 10 lignes plus bas. Ce procédé illustre la difficulté pour Louis de dire ce qu’il ressent, et donc la difficulté de son projet d’annoncer sa mort.

Pourtant, il anticipe, à la manière d’un metteur en scène, la façon dont il présentera la chose : “lentement, avec soin, avec soin et précision” ; “lentement, calmement, d’une manière posée”.

L’omniprésence des compléments circonstanciels de manière ici montre sa volonté de contrôler son image, de se mettre en scène.

L’épanorthose “avec soin, avec soin et précision” témoigne également d’une quête de perfection, celle du mot et de l’attitude justes et précis. C’est pourtant les limites du langage et de l’expression des sentiments qui rendent le retour de Louis si pénible.

On sent bien cette pénibilité dans le prologue, notamment par l’omniprésence de l’anacoluthe et de l’épanorthose qui alourdissent le propos et soulignent le fait que Louis ne parvient pas à dire ce qu’il doit dire. En cela, c’est une annonce du reste de l’intrigue.

L’hésitation est marquée par les passages entre tirets qui comprennent tous de la modalisation ou de l’interrogation : “je crois” ; “n’ai-je pas toujours (…) ?” ; “peut-être”.

Cette hésitation constante s’oppose au champ lexical de la volonté que l’on trouve dans ce mouvement : “voulu, voulu et décidé” ; “décider” ; “responsable” ; “maître”.

Louis donne donc l’image ambivalente d’un être résolu, mais rongé par l’hésitation. Finalement, cette résolution dont il fait preuve (qui s’exprime également par la répétition par trois fois du verbe “annoncer”) semble n’être qu’illusoire, en témoigne le lexique de l’illusion : “paraître” (X2) ; “illusion”.

Il est intéressant de noter que si ce mouvement semble davantage se concentrer sur la volonté d’annoncer et de verbaliser (champ lexical de la parole “annoncer” ; “dire” ; “messager”), le spectre de la mort continue de hanter Louis par des références régulières.

On trouve par exemple l’adjectif “posée” qui peut se lire de deux manières (calme, ou mort) et les références au temps : “dernière fois” ; “trop tard”.

Enfin, ajoutons que si Louis s’adresse volontiers au public pour annoncer sa mort : “toi, vous, elle, ceux-là encore que je ne connais pas”, c’est pour retarder le moment de parler avec sa famille. Il semble plus à l’aise dans le monologue que dans le dialogue.

D’ailleurs, les derniers mots “être responsable de moi-même (…), mon propre maître” permettent de comprendre la volonté d’émancipation du personnage. Jusqu’à la fin il paraît vouloir rejeter le contrôle de sa famille.

Conclusion de l’analyse linéaire du prologue de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce

Rappel du développement

Nous avons pu voir que le prologue est l’occasion pour le personnage d’annoncer à la fois sa mort prochaine, et sa volonté de retourner voir une dernière fois sa famille.

Il insiste également sur la solitude du personnage, jusque dans la manière où il est mis en scène (Louis annonce seul sa mort, sans le renfort du choeur traditionnel).

Réponse à la problématique 

Finalement, dans ce prologue hésitant et fragile, c’est la tonalité de toute la pièce qui est donnée. Louis peine à s’exprimer, ce qui l’empêchera de partager sa mort avec sa famille. Il repartira sans avoir pu annoncer qu’il est condamné, pour finir comme il a commencé : seul.

Le prologue permet donc au lecteur / spectateur de comprendre que les thèmes de la mort, de la parole et de la communication, notamment au sein de la famille, seront primordiaux dans la pièce.

On observe également l’importance de l’analyse des sentiments, ce que Louis cherche à faire sur lui, mais peine à rendre avec le mot juste.

Ouverture

Cette pièce, par son thème du retour dans la famille, peut évoquer sous plusieurs aspects Le Voyageur sans bagage de Jean Anouilh où un blessé de guerre amnésique cherche à retrouver sa famille.

Prolongements sur l’analyse linéaire du prologue de Juste la fin du monde

Vous trouverez ici une liste des 25 figures de style à connaître pour le Bac. Pour ficher efficacement votre explication : https://la-classe-du-litteraire.com/comment-ficher-une-explication-lineaire/ et enfin, les erreurs à éviter à l’oral du Bac : https://la-classe-du-litteraire.com/bien-reussir-son-explication-lineaire/

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