Vous préparez l’oral du bac de français ? Vous avez travaillé sur Balzac et vous voulez compléter vos cours ? Alors cette analyse linéaire de la lettre XVI des Mémoires de deux jeunes mariées est pour vous !

C’est un moment clé du roman où commence l’histoire d’amour entre Louise et Felipe.

L’analyse présentée ici propose un cadre que vous pouvez suivre et reproduire lors de l’épreuve anticipée de français. Vous pouvez bien entendu modifier la problématique, ou certaines analyses à votre convenance.

Avant de commencer à lire cette analyse, n’hésitez pas à vous reporter à mon article “comment analyser un texte en français” et à ma “méthode de l’explication linéaire” pour mieux comprendre ma démarche.

Introduction de l’analyse linéaire de la lettre XVI des Mémoires de deux jeunes mariées

Présentation de l’auteur et de l’oeuvre

Mémoires de deux jeunes mariées lettre XVI analyse linéaire
Balzac

Honoré de Balzac est un écrivain majeur du XIXe siècle. Né en 1799, il est d’abord inspiré par le Romantisme, puis se tourne de plus en plus vers le Réalisme jusqu’à sa mort en 1850.

Dès sa jeunesse, il fait le choix de vivre à Paris pour écrire. Ce choix le mène droit vers des difficultés financières qui le suivront toute sa vie.

Alors, pour pallier ces difficultés, il écrit, toujours plus. Journaliste, essayiste, critique, romancier, il touche à tout ce qui peut le rémunérer.

Près de 16 heures par jour il écrit, en consommant – selon certains – jusqu’à 50 tasses de café. Heureusement, ses efforts payent. Il vend ses romans, ses articles sont demandés, il vit de sa plume.

Mais son Grand Oeuvre, sa grande idée, c’est la Comédie Humaine.

Un projet titanesque dont il a l’idée en 1840. Il veut décrire l’ensemble de la société de son temps dans un ensemble romanesque. Le résultat aujourd’hui, c’est un projet non-terminé, mais comprenant déjà 95 romans et 2200 personnages, dont plusieurs reparaissants.

C’est ce phénomène de récurrence des personnages qui offre à son oeuvre une cohérence unique.

C’est dans le cadre de ce projet qu’il écrit, en 1841, son unique roman épistolaire : Mémoires de deux jeunes mariées. Ce roman retrace l’histoire de deux amies, Louise et Renée, élevées ensemble au couvent, confrontant leurs expériences et conceptions divergentes de l’amour et du bonheur.

Situation du passage :

La XVIe lettre du roman s’inscrit dans le récit de l’amour naissant de Louise pour son professeur d’Espagnol, Felipe Henarez, un grand d’Espagne contraint à l’exil. Rapidement fou d’elle, Felipe l’est venue voir et lui a proposé de devenir son serviteur.

Pour lui témoigner son acceptation, elle devra se rendre au théâtre des Italiens avec un bouquet de camélia blancs et rouges.

Le passage étudié ici est une lettre de Louise à Renée où la première fait le récit de sa soirée au théâtre des Italiens à la seconde.

Problématique :

Cette lettre offre au lecteur une meilleure perspective sur la façon dont Louise ressent et perçoit l’amour. Aussi, nous demanderons-nous de quelle manière cette lettre révèle le rapport ambigü de Louise à l’amour.

Plan :

Pour mener cette analyse linéaire de la lettre XVI des Mémoires de deux jeunes mariées, nous suivrons les mouvements du texte. D’abord le récit de la préparation de Louise avant la soirée du début du passage à “j’ai à chaque joue un camélia rouge épanoui sur un camélia blanc” Ensuite, le récit de la soirée  de “une heure” à “contre-allée.” Enfin, les sentiments de Louise de “Oh ! maintenant” à la fin de du passage.

Texte de la lettre XVI des Mémoires de deux jeunes mariées de Balzac pour l’analyse linéaire

XVI

DE LA MÊME À LA MÊME.

Mars.

Je suis habillée en blanc : j’ai des camélias blancs dans les cheveux et un camélia blanc à la main, ma mère en a de rouges ; je lui en prendrai un si je veux. Il y a en moi je ne sais quelle envie de lui vendre son camélia rouge par un peu d’hésitation, et de ne me décider que sur le terrain. Je suis bien belle ! Griffith m’a priée de me laisser contempler un moment. La solennité de cette soirée et le drame de ce consentement secret m’ont donné des couleurs : j’ai à chaque joue un camélia rouge épanoui sur un camélia blanc !

Une heure.

Tous m’ont admirée, un seul savait m’adorer. Il a baissé la tête en me voyant un camélia blanc à la main, et je l’ai vu devenir blanc comme la fleur quand j’en ai eu pris un rouge à ma mère. Venir avec les deux fleurs pouvait être un effet du hasard ; mais cette action était une réponse. J’ai donc étendu mon aveu ! on donnait Roméo et Juliette, et comme tu ne sais pas ce qu’est le duo des deux amants, tu ne peux comprendre le bonheur de deux néophytes d’amour écoutant cette divine expression de la tendresse. Je me suis couchée en entendant des pas sur le terrain sonore de la contre-allée. Oh ! maintenant, mon ange, j’ai le feu dans le cœur, dans la tête. Que fait-il ? que pense-t-il ? A-t-il une pensée, une seule qui me soit étrangère ? Est-il l’esclave toujours prêt qu’il m’a dit être ? Comment m’en assurer ? A-t-il dans l’âme le plus léger soupçon que mon acceptation emporte un blâme, un retour quelconque, un remerciement ? Je suis livrée à toutes les arguties minutieuses des femmes de Cyrus et de l’Astrée, aux subtilités des Cours d’amour. Sait-il qu’en amour les plus menues actions des femmes sont la terminaison d’un monde de réflexions, de combats intérieurs, de victoires perdues ! À quoi pense-t-il en ce moment ? Comment lui ordonner de m’écrire le soir le détail de sa journée ? Il est mon esclave, je dois l’occuper, et je vais l’écraser de travail.

Lettre XVI des Mémoires de deux jeunes mariées : Analyse linéaire

I. Avant la soirée :

On constate d’emblée que cette lettre s’inscrit dans une série de lettres, en témoigne l’indication « DE LA MÊME À LA MÊME », qui confirme que la lettre précédente était déjà écrite par Louise de Chaulieu pour Renée de l’Estorade, et l’indication temporelle « Mars » qui montre que Louise fait un compte-rendu régulier de sa vie.

Dans ce passage est développé un jeu important sur la symbolique des couleurs. Le blanc (symbole de pureté et d’innocence) est répété par 3 fois (l.1). Aussi, Louise veut-elle se montrer innocente au théâtre par sa tenue et les fleurs qu’elle emporte.

Cependant, rapidement est mentionnée la couleur « rouge » (l’amour, la passion) représentée par les fleurs de sa mère (l.2). Louise peut donc faire le choix de grandir symboliquement en prenant un camélia rouge à sa mère pour suivre la voie de sa passion pour Felipe : « je lui en prendrai un si je veux ».

On voit ici que l’innocence symbolique de Louise est contrebalancée par un calcul permanent : « il y a en moi je ne sais quelle envie de lui vendre son camélia rouge ».

Le vocabulaire mercantile (vendre) rapproche l’amour d’un jeu de commerce et de manipulation : rien ne sera gratuit pour Felipe (désigné par le pronom « lui »).

Après avoir brièvement mentionné son futur amant, Louise revient immédiatement à elle : « je suis bien belle ». Ce narcissisme retranche de nouveau sa supposée innocence. Elle est parfaitement consciente de sa beauté, et de l’effet qu’elle produit sur Felipe.

Pour elle, ce qui va se jouer pendant cette soirée est un drame amusant : un « drame », c’est un dire un divertissement théâtral plein de rebondissements qu’elle se plait à orchestrer en faisant attendre Felipe. 

On note toutefois que derrière ses calculs, son cœur peine à dissimuler son amour : « j’ai à chaque joue un camélia rouge épanoui sur un camélia blanc ».

Elle reprend le code amoureux des fleurs par un jeu de métaphore exprimant d’une part la blancheur de son teint (= beauté) et d’autre part le rouge qui lui monte au joues (représentant la part incontrôlée de l’amour).

II. Récit de la soirée

L’indication temporelle de cette deuxième partie montre que le récit de la soirée est fait à « une heure », soit juste après, à chaud.

Louise décrit l’effet qu’elle a produit par une antithèse flatteuse pour elle : « tous m’ont admirée, un seul savait m’adorer ». On voit que la jeune femme est exaltée et sûre de ses charmes. Elle va jusqu’à employer le mot « adorée » qui est dérivé d’adoration (normalement destiné à Dieu).

Le jeu sur les couleurs continue dès la ligne suivante avec la comparaison entre le teint pâle de Felipe et le camélia blanc (je l’ai vu devenir blanc comme la fleur). Faut-il voir ici une préfiguration de sa mort, ou simplement les conséquences de l’effet que lui fait son amour pour Louise qui le torture ?

Mais Louise accepte finalement de donner une « réponse » et même un « aveu » de son amour à Felipe. On voit bien qu’ici encore, c’est elle qui mène la danse, et Felipe n’est que soumis à sa volonté.

La mention qui suit de « Roméo et Juliette » (Opéra donné le soir même) est un mauvais présage. À peine Louise affirme-t-elle accepter les avances de Felipe, que l’auteur mentionne cruellement la célèbre histoire d’amour conduisant à la mort des deux amants.

Mais Louise ne peut pas lire l’avenir, pour le moment, elle est emportée par sa passion, et ses sentiments prennent le dessus sur ses calculs : «Tu ne peux pas comprendre le bonheur de deux amants écoutant cette divine expression de tendresse ».

On remarque qu’elle se considère déjà avec Felipe comme deux amants. Notons également l’hyperbole « divine expression de tendresse », signe de son envolée lyrique.

Comme par magie, cette envolée est immédiatement suivie par l’arrivée de Felipe, symbolisée par le doux son de ses « pas sur le terrain sonore de la contre-allée ». C’est ce bruit, familier pour Louise, qui déclenche chez elle un élan passionnel.

III. Les sentiments de Louise :

L’interjection « Oh ! » témoigne d’une émotion forte, symbolisant la prise de pouvoir du cœur sur le cerveau, comme l’affirme Louise : « maintenant, mon ange, j’ai le feu dans le cœur, dans la tête ».

Métaphoriquement, l’amour (feu=amour) de Louise ne se cantonne plus au cœur, mais prend la tête, l’empêche de raisonner.

Pourtant, la tête de la jeune femme tourne à plein régime : « que fait-il ? que pense-t-il ? (…) » Louise enchaîne les interrogations directes, ce qui montre qu’elle est obsédée par son amant dont elle voudrait pouvoir lire les pensées.

On voit également que les questions portent toutes sur l’adoration de Felipe envers Louise, comme si elle souhaitait davantage être aimée qu’aimer elle-même.

Pour Louise, l’amour est une affaire complexe, très peu spontanée, en témoignent les périphrases désignant le mouvement de la préciosité et l’amour courtois : « Je suis livrée à toutes les arguties minutieuses des femmes de Cyrus et de l’Astrée, aux subtilités des Cours d’amour ». 

Pour elle, tout acte doit être décodé dans le cadre de l’amour, rien n’est innocent. En cela, sa tête l’emporte sur son cœur. Car c’est en elle que se joue le plus gros de son amour : « monde de réflexion » (hyperbole) ; « combats intérieurs » (métaphore hyperbolique) ; « victoires perdues » (oxymore).

On peut voir par les figures de style utilisées que Louise se laisse exalter (la phrase est exclamative) par ses sentiments et découvre un monde nouveau pour elle : celui du sentiment amoureux.

Enfin, on constate que Louise finit par revenir à son côté raisonneur et dominateur.

Le vocabulaire tyrannique (« ordonner » ; « esclave » ; « écraser de travail ») souligne le fait que malgré ses sentiments indéniables, elle veut rester au-dessus de Felipe, et prend un véritable plaisir à le torturer, à le soumettre.

On note par ailleurs, qu’à l’échelle de l’ensemble du passage, Felipe n’est jamais nommé. Il n’apparait que sous la forme pronominale. Ce qui montre qu’il est relégué au second plan et que Louise occupe tout l’espace. Elle est belle, puissante, intelligente, calculatrice, et va faire souffrir son amant.

Conclusion de l’analyse linéaire de la lettre XVI des Mémoires de deux jeunes mariées

Rappel du développement 

Dans ce passage, Louise fait d’abord le récit de sa préparation avant la soirée. Elle se révèle calculatrice, derrière une image de pureté et d’innocence.

Ensuite, pendant la soirée, et après, son amour pour Felipe prend vite le dessus sur ses calculs.

Mais quel amour ?

Il semble en fait qu’elle aime davantage l’effet qu’elle produit sur Felipe que Felipe lui-même. Finalement, reprenant le dessus sur ses émotions, elle est bien décidée à le mettre à l’épreuve, à le faire mériter son amour.

Réponse à la problématique

On constate donc que Louise balance entre une passion qui se montre parfois dévorante et plus forte qu’elle, et une vision cérébrale de l’amour comme un jeu stratégique de domination de l’autre.

Cependant, elle ne semble pas en avoir pleinement conscience, et le lecteur l’apprend aux dépends de la jeune femme en proie à des sentiments inconnus.

Ouverture

D’une certaine façon, ce passage marquant le début de la relation amoureuse entre Louise et Felipe en prédit également la fin.

Le comportement de Louise fera l’objet de nombreux reproches de la part de son amie Renée.

Finalement, Felipe ne saura supporter l’amour dévorant et dominant de Louise et sera emporté par la maladie quelques années après.

Prolongements sur l’analyse linéaire de la lettre XVI des mémoires de deux jeunes mariées :

Vous trouverez ici une liste des 25 figures de style à connaître pour le Bac. Pour ficher efficacement votre explication : https://la-classe-du-litteraire.com/comment-ficher-une-explication-lineaire/ et enfin, les erreurs à éviter à l’oral du Bac : https://la-classe-du-litteraire.com/bien-reussir-son-explication-lineaire/

Besoin d’une aide personnalisée ?

Je propose également des cours particuliers pour tous niveaux :

  • Préparation d’examens
  • Stages méthodologiques
  • Révisions culture littéraire
  • Grammaire et orthographe
  • Et bien d’autres possibilités

Le tout en 100% distanciel (par WebCam) à partir de 50 euros / heure.

N’hésitez pas à me contacter ([email protected]) pour davantage de renseignements, et pour réserver votre premier cours !

Recommended Articles

Leave A Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *